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1 octobre 2012

Mourad Ouchichi. Professeur d’économie à l’université de Béjaïa : «Des réseaux de prédation organisent le captage de la rente»

Mourad Ouchichi. Professeur d’économie à l’université de Béjaïa : «Des réseaux de prédation organisent le captage de la rente»

Le 01.10.12 | 10h00

-On a parfois lié le phénomène de la corruption à l’existence d’une maffia politico-financière puissante. Jusqu’à quel point cela est-il vrai ?  

Il faut arrêter de considérer la corruption comme un épiphénomène dû à l’existence d’un lobby ou d’une maffia politico-financière. C’est un problème généralisé et fondamentalement politique, lié exclusivement à la nature de notre système. En d’autres termes, faute de légitimité électorale, le régime utilise les ressources du pétrole pour se maintenir au pouvoir en achetant la paix sociale, en fermant les yeux sur les dérives, etc.  Ajouté à cela le manque d’indépendance de la justice, il n’est pas étonnant que cela se généralise. Ce qui est encore plus dangereux, c’est que cela se démocratise. L’ancien Premier ministre a reconnu l’existence d’une maffia politico-financière difficile à maîtriser. Il faudra l’identifier et la combattre, sinon toutes les déclarations officielles sur la lutte contre la corruption ne seront, à mon sens, que de la poudre aux yeux.

-Comment cette démarche politique se fait-elle ressentir sur l’économique ?

Nous n’avons pas une économie productive mais rentière, et là il faut se demander pourquoi les tentatives de réforme des années 1980 et même d’après n’ont pas abouti. Encore une fois, c’est un problème éminemment politique car les décideurs se retrouvent devant un dilemme : ou bien on veut une économie productive donc on libère le marché, ce qui suppose une perte de pouvoir politique et donc une perte de contrôle et d’hégémonie pour ceux qui le détiennent ; ou bien alors la priorité est le maintien de ce pouvoir politique et donc on se retrouve dans une économie dont l’informel représente 50% et où la masse monétaire qui circule en dehors des circuits officiels est colossale. En somme, les institutions informelles ont dépassé l’économie formelle. Je pense qu’il s’agit d’un choix délibéré de laisser-faire pour éviter que se posent les questions les plus sérieuses comme celle de la légitimité. Quand 50% de l’économie est contrôlée par l’informel, il n’est pas étonnant de voir la propagation de la corruption aussi bien dans les plus hautes institutions que chez le dernier des citoyens.

-Pensez-vous que les grands programmes d’investissement publics depuis 2000 ont constitué un terrain propice pour l’extension du phénomène ?

Depuis l’arrivée du président Bouteflika, on parle de relance économique, mais ce à quoi on a assisté c’est une ouverture excessive sur l’extérieur à travers l’Accord d’association et un retour à la centralisation de la décision économique à travers des lois et des mesures sur les entreprises publiques, des énièmes assainissements financiers, des remises en cause de l’autonomie de la Banque d’Algérie, etc. C’est comme si on était revenus aux années 1970 avec le protectionnisme en moins et, au final, on est dans une économie mercantile et rentière. Sans des réformes profondes, les programmes de développement ne pouvaient que favoriser la corruption parce qu’on ignore dans quelle économie on est. C’est une économie hybride ; l’Etat est présent là ou il ne faut pas et absent là où il devrait être. Nous ne sommes ni libéraux ni étatistes, c’est le propre des régimes qui pensent à se maintenir au lieu de réformer. Des milliards de dollars sont injectés par le haut et, en face, des réseaux de prédation organisent le captage de cette rente.  

-Comment concilier la lutte contre la corruption et le souci de ne pas instaurer un climat de suspicion ?

La mémoire collective n’est pas défaillante dans le sens où toutes les actions officielles menées en matière de lutte contre la corruption sont assimilées à un règlement de comptes. Les personnages politiques sont devenus gages d’impunité. La lutte réelle contre la corruption suppose un processus global qui redonnerait à l’Etat son rôle de régulateur, qui garantirait l’indépendance de la justice et une véritable séparation des pouvoirs. Ce qu’il faut, en somme, ce sont des réformes structurelles qui laisseraient se développer une véritable économie productive et redonneraient l’autonomie au marché. L’économie algérienne est sur-politisée. Actuellement, les dirigeants, qu’ils soient d’organismes, d’institutions ou d’entreprises, sont désignés par le régime, ce qui donne un système basé sur le clientélisme et la corruption. Il n’y aura pas de lutte contre la corruption puisque cela suppose un changement politique et je ne crois pas que le régime en place le veuille.

Safia Berkouk

Source : http://www.elwatan.com/economie/des-reseaux-de-predation-organisent-le-captage-de-la-rente-01-10-2012-187192_111.php

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