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24 octobre 2012

«Ce qui est encouragé en Algérie, c'est la quantité qui brille par une médiocrité affligeante»

Par Amar Ingrachen

Etabli au Canada depuis 1993, Youcef Bendada, économiste de formation, ancien directeur de la Planification des ministères de la Culture, puis SG du Conseil national de l'audiovisuel, estime que seuls les pays qui s'organisent démocratiquement peuvent jouir des bienfaits des NTIC. Et que le pilotage à vue d'une économie est un obstacle au développement de l'entreprise. Dans cet entretien, il décortique les rapports entre les TIC et le secteur économique.

Selon vous, dans une économie de plus en plus tentée par la mondialisation, quel peut être l'apport des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ?

Si vous pensez, en soulevant cette question, à l'économie mondiale, nul ne peut ne pas reconnaitre que les TIC modifient en profondeur le paysage économique. Pas une entreprise ne peut y échapper. Plus encore, le niveau de performance des économies sera évalué à travers la maitrise et l'utilisation des NTIC en tant qu'instruments d'analyse, de gestion, d'administration. Pour l'instant, mis à part l'Inde et la Chine, qui disposent de l'infrastructure numérique nécessaire, aucune autre économie ne peut rivaliser avec les pays de l'OCDE, à leur tête les États-Unis d'Amérique et le Japon. L'apport des NTIC est indéniable en ce que ces technologies amplifient le degré de performance des entreprises. Pour faire court dans ce cadre : la mondialisation est un leurre. C'est une voie choisie par les économies capitalistes, néo-libérales pour poursuivre leur quête de profits en balisant la voie pour un ascendant technologique irrattrapable par les pays moins avancés. En fait, sans les NTIC, une économie est vouée à l'obsolescence, à l'archaïsme.

Les chiffres et les indicateurs économiques sont têtus : seuls les pays qui s'organisent démocratiquement, comme l'Inde, peuvent jouir des bienfaits des NTIC, car ils consacrent les capitaux nécessaires à la recherche et au développement. L'Inde développe ses propres technologies et s'impose comme leader dans de nombreux domaines. Cela a été rendu possible grâce au décollage économique entrepris depuis trois décennies et surtout grâce aux politiques courageuses mises en œuvre dans les domaines de la formation, de la recherche et du développement. Le pilotage à vue d'une économie, la nôtre, est un obstacle à toute velléité de développement de l'entreprise et par extension à la croissance. Notre pays, indigent en matière de R&D, gagnerait à commencer par instaurer une plus grande démocratisation sans laquelle il serait vain de rêver à une croissance de l'entreprise algérienne empêtrée dans un management préhistorique et un climat des affaires digne de la glasnost.

Des économistes disent que les NTIC sont indispensables pour l'essor de l'entreprise dans la situation actuelle. Est-ce vrai ?

Il est difficile de donner une réponse tranchée à cette question. L'entreprise, en tant qu'entité créatrice de richesse, a besoin de se moderniser continuellement, et de s'adapter aux nouvelles techniques de gestion, d'administration et aux nouvelles technologies sectorielles. Elle est condamnée à se doter des outils de performance pour poursuivre ce pourquoi elle active : rechercher le profit et être plus efficace que la concurrence. Nous parlons ici des entreprises qui évoluent dans un environnement sain, où la concurrence pure et parfaite est de mise. Dans une économie transparente et ouverte sur les sciences et la technologie, il va de soi que les NTIC sont partie intégrante de la vie des compagnies. Au Canada, il se crée des milliers d'entreprises par jour. Des milliers d'autres disparaissent car elles ne répondent plus aux critères de rentabilité. Dans son rapport de 2012, le Forum économique mondial classe l'Algérie à la 118ème place. Je reste bien sceptique pour nos pauvres entreprises qui tentent de mimer les compagnies étrangères sans, hélas, avoir les moyens nécessaires pour les soutenir (logiciels, ingénieurs qualifiés, très haut débit…). À mon avis, pour que les NTIC soient indispensables pour l'essor de nos entreprises, il faudrait une révolution dans le domaine de l'éducation/formation et des investissements hors du commun dans la R&D. Ce qui semble hors de question pour le moment. La surcharge des classes, et le niveau pitoyable de nos ingénieurs nous interdit de rêver à cette éventualité. Le rôle stratégique de l'éducation dans notre pays, tant de fois réitérée par les responsables qui se sont succédé dans ce département de l'éducation/formation, est un leurre, car les investissements sont en deçà du minima en cours dans les pays développés. Ce qui est encouragé en Algérie, c'est la quantité qui brille d'ailleurs par une médiocrité affligeante, indigne d'un pays qui pouvait se prévaloir il y a à peine 30 ans d'avoir été à l'avant-garde de la technologie et de l'informatique. Rappelez-vous les performances du CERI à l'époque où l'Algérie était réellement en avance en Afrique dans ce domaine ! Nous sommes loin de cette époque et aujourd'hui nous tergiversons sur la téléphonie 3G et que sais-je encore !

Les NTIC ne sont-elles pas un instrument d'accélération de la libéralisation de l'économie mondiale, laquelle libéralisation peut-être, à long terme, préjudiciable pour les petites économies nationales comme la nôtre ?

Tous les éléments de réponse sont contenus dans la question elle-même. En effet, les économies sous-développées ne disposent ni des brevets, ni des laboratoires, ni des chercheurs qualifiés. Ces derniers, leur cursus de base achevé, partent se spécialiser ailleurs et les conditions fournies à l'extérieur les encouragent à y élire domicile. Et les voilà en train de participer à creuser plus profondément le fossé technologique déjà grand avec leur pays d'origine. L'investissement dans les TIC est l'un des principaux moteurs de compétitivité des entreprises. En effet, selon des études de l'OCDE, les TIC seraient un facteur important de croissance économique aux États-Unis, en Europe et au Japon. Cela est le fruit des investissements massifs consentis au cours des précédentes décennies dans la formation, la recherche et en gros dans le numérique. Soyons sérieux, la mondialisation n'est pas préjudiciable aux petites économies. Elle l'est pour les économies qui ont été incapables d'avoir un projet de société fiable, éclairé et dont les promoteurs disposent du courage et de la volonté à sortir le pays de la crise.

Omar Aktouf considère que les NTIC sont plus un coût à mettre sur le dos du secteur productif qu'un apport, notamment dans les sociétés du tiers-monde.

Cette sentence réfléchie d'Omar Aktouf est sincère. Dans notre pays qui est dans une indigence criante en matière de R&D et qui ne dispose d'aucun appareil de collecte statistique digne des 200 milliards de dollars de réserve de change, et à ma connaissance, sans un plan numérique établi, comment voulez-vous décider de devenir un acteur dans un domaine où les économies développées ont investi des milliards de dollars dans des laboratoires, des Universités, des centres de recherches, et qui cueillent aujourd'hui les fruits de cet investissement ? On ne s'improvise pas chercheur, développeur, etc. Les quelque 200 milliards de dollars de réserves de change dont disposerait notre pays n'y pourront rien sans un système de formation qui reste à construire avec un plus grand sérieux que ce que nous avons eu jusque-là. Il faut passer de l'école sinistrée des trois dernières décennies, à une école sérieusement bâtie sur le modèle occidental, avec de vrais moyens qui permettent aux nouvelles générations de se doter de vrais outils pédagogiques pour affronter un monde plus qu'incertain.

Le bon sens inviterait donc les gouvernants à devoir éviter cette surcharge des coûts qui ne peut se faire qu'au détriment du secteur productif avec des résultats aléatoires. Le succès est loin de pouvoir être garanti compte tenu du retard énorme de notre pays dans ce domaine. À titre indicatif, signalons que le coût moyen en R&D d'un brevet est de 8 millions de dollars (au sein de l'OCDE). La barre est donc placée bien trop haut pour le petit pays que nous sommes, qui pâtit cycliquement de la pénurie de pommes de terre, pour laquelle tout un ministère de l'agriculture ne suffit plus, et pour réguler cette satané tubercule il a fallu créer tout un office !

 

Source : http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5174626

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