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29 décembre 2013

Mozabites et Chaâmba : Les dessous d’une rivalité.

Mozabites_Cha_mbisamedi 15 mai 2004.

 La cinquantaine passée, Abdelkader est un éboueur, fonctionnaire de l’APC de Ghardaïa. Il exerce et habite à Mélika, un des sept K’sour (palais) de la pentapole. Mais à la différence de la majorité des habitants de cette cité, Abdelkader n’est pas un Mozabite.Il se revendique comme un Arabe, un des descendants des Zoghba, une confédération chaâmbie, dont la famille a vécu de père en fils parmi la communauté mozabite. Abdelkader était au centre des derniers événements qui ont marqué la ville de Ghardaïa.

Non parce qu’il a pris part aux échauffourées, mais tout simplement parce que, les jeunes de son quartier natal, Mélika, à majorité écrasante Mozabite, se sont livrés aux jets de pierres aux jeunes du quartier à dominance chaâmbie, Théniet El Mekhzen. Les hostilités et les affrontements entre les deux communautés se sont poursuivis durant trois jours. Mais à Mélika, "ma famille n’a été nullement intimidée, encore mois agressée. A Ghardaïa, qu’on soit Mozabite, Chaâmbi ou autre, la notion de voisinage est sacrée". Mais chez notre interlocuteur, il se dégage un certain sentiment d’anxiété quant au devenir des relations entre les deux communautés. L’exemple du terrain de 600 mètres carrés disputé par les deux parties à l’origine des derniers événements dénote de l’antagonisme qui oppose Mozabites et Chaâmba. Nous sommes à Mélika, un des principaux K’sour qui surplombe la vallée du M’Zab. Pour accéder à l’intérieur de cette cité, on peut emprunter l’une des cinq portes, dont deux sont situées dans la partie sud. C’est dans cette partie du K’sar que sont concentrées les quelques familles chaâmba dont celle d’Abdelkader.

La cité de Mélika se trouve à quelque mille mètres du quartier chaâmbi, Théniet-El-Mekhzen. Mais le contact direct entre les deux communautés se situe au niveau de leurs cimetières respectifs. Celui des Chaâmba est situé à une centaine de mètres du K’sar, alors celui des Mozabites est situé sur le flanc gauche du K’sar. Entre les deux, se trouve un lit d’oued, un terrain vaste de quelque six cent mètres carrés où les jeunes du K’sar s’adonnent à des parties de football. Or, le terrain en question est au centre d’un différend qui oppose les deux communautés depuis des années. Si pour les Malékites, il s’agirait d’un bien wakf, l’autre partie le revendique comme une propriété de la communauté mozabite, d’où sa revendication pour l’édification d’un CEM. Mardi 5 mai, des échauffourées éclatent entre les jeunes des deux communautés. A l’origine des incidents, a-t-on appris sur place des pneus incendiés sur le même terrain. Un fait considéré comme le déclenchement des premiers heurts. Le carrefour Merrakchi, un lieu-dit qui sépare la cité malékite des premières habitations chaâmba devient dès lors le théâtre d’affrontements, avant que le foyer de tension ne se propage au centreville, en l’occurrence le principal quartier chaâmbi, Théniet El- Mekhzen. Dans ce dernier qui longe le rue du 1er-Novembre, se trouve une grande partie de magasins appartenant aux Ibadites.

Aux origines de la rivalité entre les deux communautés

En somme, les hostilités n’ont duré que deux journées. Les services de police ont réussi en un laps de temps à maîtriser la situation. L’intervention et l’implication des notables et autres représentants des deux communautés ont été également d’un apport considérable pour le retour au calme. Mais la tension est restée vive. Le calme est précaire. Pour preuve, six jours après, de nouvelles échauffourées, mais vite maîtrisées ont éclaté entre des lycéens mozabites et chaâmbis scolarisés au sein du même établissement en l’occurrence le lycée Moufdi-Zakaria. Les notables des deux communautés sont de nouveau sollicités pour apaiser la tension. Le différend qui oppose les deux communautés remonte loin dans l’histoire. Il est clairement établi que la question de la construction du CEM n’est qu’un prétexte. L’antagonisme entre les deux communautés avait déjà fait les épreuves de la démonstration de force en 1985 et 1991. Et chaque fois, c’est la question du foncier qui est posée. En effet, l’aspect historique et religieux constitue les deux fondements à l’origine de la création de la vallée du M’zab. Les premières populations étaient composées de Béni Mozab, d’origine berbère Zénéte. Alors que les Chaâmba d’origine hilallienne de la tribu des Béni-Hamyenne et d’autres tribus ne sont venus que quelques temps après. Ces peuplades avaient des modes de vie différents et se complétaient en matière économique.

Les habitants de la vallée, en l’occurrence les Mozabites étaient des agriculteurs et artisans, par contre les Chaâmba étaient éleveurs. La particularité entre les deux communautés tient également au fait que les populations de la vallée du M’zab étaient sédentaires alors que les Chaâmba étaient nomades et ne séjournaient à M’tlili qu’en période estivale. Cela dit, il y a lieu toutefois de noter que contrairement aux autres communautés, chez les Ibadites on trouve une forme d’échelle confédérale. En d’autres termes, au niveau de la région, il y a deux assemblées, l’une qui s’appelle Ammi Saïd et l’autre Al-Kourthi. La première a une vocation religieuse, elle est l’instance suprême habilitée à statuer sur les questions d’ordre religieux que lui sont transmises des cités du M’Zab. Elle regroupe l’élite religieuse de la région ainsi qu’un représentant des Ibadites de Ouargla. La seconde a pour tâche de prendre des décisions politiques qui déterminent et engagent l’avenir de la communauté. On y trouve donc des personnalités représentant l’ensemble des cités. Ce schéma organisationnel qui, en partie perdure encore a connu de grands chambardements depuis la conquête coloniale.

De l’accord de 1317 aux premiers affrontements en 1985 C’est à partir du Xe siècle, que les populations de la vallée du M’zab ont adopté le rite ibadite véhiculé par le cheikh Abi Yacoub El-Warglani aux cheikhs Ammi Brahim et BA Abderrahmane Elkourthi, tous des savants m’zab. A partir de là, les cinq k’sour (la pentapole) ont été édifiés et les tribus affectées. Ainsi, cinq premières villes, ont été construites successivement en l’espace de 50 années, il y a 10 siècles, par les Ibadites rostémides rescapés des ruines d’Isedraten la Glorieuse. Les Ibadites (ou Mozabites, relatif au nom de la vallée), maîtres cependant de tous les raffinements de l’art islamique de l’époque, élevèrent leurs nouvelles villes avec une volonté évidente de simplicité. Ils atteignirent ainsi l’essence même de la beauté. El-Atteuf (Le Tournant) Bou- Noura (La Lumineuse) Beni Izguen (La Sainte) Melika et Ghardaïa. Les murs ne sont pas tirés en cordeau, mais ils vivent, et sur l’enduit de plâtre, la trace des doigts ou des outils de l’artisan maçon accroche la lumière et la fait jour différemment selon les heures. Dans les ruelles étroites et fraîches, hommes et femmes circulent, silencieux et sereins. La nuit, sur les terrasses, on est envahi d’un sentiment de sécurité et de plénitude : le temps s’est arrêté et tout est en ordre immuable. La Halaka des Azaba, a été créée par la suite par Cheikh Abi Zakaria, composée d’érudits afin que les citoyens ne se divisent pas suite aux différentes fetwas de savants. Au XIVe siècle, cheikh Bouhafs, un savant de la région de Labiod Sid Cheikh, s’installe à Metlili. Il est tout de suite respecté et vénéré par les Mozabites. Toutefois, constatant que les tribus des Chaâmba guerroyaient à cause des pâturages situés entre la région de Brézina et l’amont de Oued Metlili, il propose de diviser ces tribus en trois groupes sous la direction de trois chefs. Le groupe déplacé vers l’est, à Ouragla, était sous la direction de Bourouba, le groupe déplacé vers le sud à El-Ménéaâ était sous la direction de Hamadi et le groupe installé à Metlili était sous la direction de Berezga. Après cela, Cheikh Bouhafs propose à Cheikh Sidi-Aïssa, cheikh du M’zab, un accord par lequel des familles chaâmba seront déplacées vers Mélika et El-Atteuf et des familles ibadites de Mélika ainsi que des familles de Beni Merzoug seront déplacées vers Metlili et créèrent un k’sar à l’image des k’sour du M’zab.

Des centaines d’années sont passées et les deux communautés vécurent dans une quiétude totale. A l’indépendance de l’Algérie, le parti unique s’impose et la pensée unique domine. L’exclusion, l’adoption de la stratégie de diviser pour mieux régner, ajoutez à cela l’instrumentalisation des structures de l’Etat au détriment d’une véritable prise en charge des préoccupations, n’ont pas tardé à provoquer les premières explosions. En 1985, de violents affrontements ont opposé les deux communautés. Conséquences : des centaines de blessés et des édifices tant publics que privés ont été saccagés. Six ans, on récidive, avec la même ténacité, alors qu’en 2004, il y a eu certes affrontements mais les dégâts étaient cette fois ci moindres.

De l’exclusion du parti unique à la nécessité du retour au pouvoir local.

La majorité des personnes rencontrées à Ghardaïa impute la situation que traverse aujourd’hui la vallée du M’zab aux conséquences des pratiques de l’ère du parti unique. "Le premier député représentant la région du M’zab n’était pas un Mozabite. M. Soufi Mohamed était originaire de Laghouat. Mais ses hautes qualités humaines et professionnelles ont poussé les Mozabites à le soutenir", explique Abdelwahab, un Mozabite, haut cadre exerçant au niveau d’une banque publique. Notre interlocuteur nous révèle également que l’administration gérée par le parti unique a fait dans l’exclusion. "L’autre partie (allusion faite aux Chaâmba) a investi les appareils du parti unique. C’est au nom de cette légitimité qu’on a voulu imposer leurs lois. L’administration centrale a soutenu ses pratiques, en faisant dans la division pour régner. Et pourtant, au sein de la communauté malékite, il y a une majorité de personnes qui s’est opposée à ces pratiques", ajoute-t-on. Les derniers événements qui ont éclaté le 05 mai dernier et la rapidité de leur maîtrise grâce au rôle joué par les notables et autres représentants des deux communautés, dénotent que quelque chose est en train de s’opérer au sein de cette région. Si Salah Blidi, un notable de la région de Béni Izguen, est formel sur cette question.

"Les dernières échauffourées qui avaient éclaté récemment dénotent qu’il y a plus de cohésion entre les différentes communautés qui cohabitent dans la vallée du M’zab", dira-t-il. Il explique : "Comparativement aux événements passés, notamment ceux de 1985, où des centaines de magasins ont été détruits et des personnes blessées, cette fois-ci la situation a été vite maîtrisée grâce aux efforts des uns et des autres." "Ces événements étaient pour nous comme un test d’évaluation du long et difficile travail que nous avons entamé depuis des années. J’ai vécu les événements de 1985, mais cette fois-ci les choses ont eu lieu différemment. Que ce soit du côté mozabite ou chaâmba, tout le monde a mis du sien pour ramener le calme. Les magasins des Mozabites situés dans le quartier de Théniet-El-Mekhzen n’ont pas été touchés et ce, grâce à l’intervention des notables et représentants de cette population. Le travail de la société civile entamé depuis des années a été très bénéfique. Nous voulons vivre dans une Algérie diversifiée et riche avec ses particularités ", ajoute pour sa part Baba ammi Ahmed, un cadre en urbanisme et ex-membre de l’APW de 1990 à 2002. Un point de vue que partage par ailleurs, un autre ex-membre de l’APW, M. Guerra Yahia, qui indiquera pour sa part que "si la région à l’instar de toutes le régions d’Algérie connaît une crise de pensée, cette dernière doit trouver solution dans l’implication du mouvement associatif dans la gestion des affaires de la cité." Un passage obligé pour assurer cette transition vers une société algérienne tolérante et porteuse d’idée, de progrès social et économique." En somme, pour toutes les personnes que nous avons rencontrées, représentantes des deux communautés, la gestion locale doit être assurée par les locaux, eux connaisseurs de la mentalité et us et coutumes des populations.

Par Abder Bettache, Le Soir d’Algérie

 

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