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29 mars 2014

CHAOS «CONSTRUCTEUR» EN LIBYE: Vers la partition ou le fédéralisme?

Libye

Par Pr Chems Eddine CHITOUR - Samedi 29 Mars 2014 -

«Le meilleur moyen de contrôler une révolution est de la faire soi-même» Machiavel (Le Prince)

Il y a trois ans démarrait la tragédie libyenne qui s'est soldée quelques mois plus tard par le lynchage abject d'El Gueddafi en direct avec une joie morbide des médias occidentaux qui jubilaient de donner en pâture à leurs opinions publiques l'image dégradante d'un leader arabe musulman et qui, quelques années plus tôt, était accueilli avec les honneurs à l'Elysée. Tout démarra, on s'en souvient avec une jacquerie du peuple qui se révolta contre un dictateur au pouvoir depuis plus de quarante ans et qui était parti pour faire de la Libye une Djamahiriyya dynastique à l'instar d'ailleurs, de tous les potentats arabes sans exception pour qui le pouvoir est octroyé par Dieu à eux les sauveurs, les Mahdis de leurs peuples. On l'aura compris, il est rare que les transitions soient apaisées en pays arabe. On dit que le pouvoir change soit par l'émeute, soit par la mort naturelle du dirigeant. Mieux encore, l'acharnement se poursuit. Extradé par le Niger, le fils de l'ancien chef d'Etat libyen, Saadi El Gueddafi, qui a été photographié par les autorités de Tripoli le 6 mars à son arrivée en prison, aurait été sauvagement torturé par le nouveau régime de Tripoli. Il serait dans le coma.
La situation en Libye nous interpelle à plus d'un titre. Ce sont d'abord des hommes qui souffrent qui ont les mêmes espérances, à savoir une vie de paix et de dignité. La situation reste chaotique près de deux ans et demi après la mort d'El Gueddafi, de nombreuses milices qui n'ont pas désarmé, empêchant le gouvernement central d'imposer son autorité à travers le pays. C'est ensuite un pays frontalier qui, a bien des égards, par son arsenal ouvert à tout vent pose, à l'Algérie des problèmes de sécurisation des frontières.

La genèse du chaos
On a tout dit de la punition libyenne. Notamment du détournement de la Résolution onusienne 1702 qui ne donnait pas mandat pour bombarder le pays et tuer El Gueddafi, mais pour mettre en place une zone d'exclusion aérienne. Petit détail: quatre heures après le vote de la résolution, les avions français commençaient à bombarder... Je veux dans cette contribution rapporter en honnête courtier l'apport humaniste de Bernard-Henry Lévy tout en m'interrogeant sur son silence assourdissant devant la situation tragique actuelle. Nous allons rapporter quelques commentaires sur son ouvrage sur la Libye, puis sur son film. Il faut bien vivre même de la misère et de la tragédie des autres... Nous lisons: «Toute victoire individuelle sur l'esprit collectif étant une régression, ne prenons pas l'exercice qui suit à la légère. Lorsque Bernard-Henri Lévy veut jouer un rôle politique, le chemisé de blanc n'hésite pas à sortir sa plume, quitte à la confronter à l'ironie des canons; le philosophe n'en est pas moins médiacrate. Une guerre se déclare? BHL prépare son sac de voyage et prévient son éditeur. Cette fois, il aurait fallu s'exiler sur Mars pour ne pas remarquer son activisme lors du conflit entre l'Otan et la Libye de Kadhafi. Résultat, sitôt l'ultime «coup de feu» tiré, un pavé de 640 pages au titre évocateur, la Guerre sans l'aimer(Grasset), récit ultra-«bhlien» qui aurait dû s'intituler «Ma campagne de Libye». L'homme, plus narcissique que jamais - quel autre héros que lui-même? -, met en scène ce qu'il souhaiterait être sa posture romantique dans l'Histoire quand il ne s'agit trop souvent que de l'histoire de sa propre posture. N'est pas Malraux ou Chateaubriand qui veut».(1)
«Pour un écrivain, les commencements sont toujours magnifiques - mais attention à ne pas prendre ses désirs pour des réalités. S'il nous donne l'illusion d'entrer de plain-pied dans les coulisses de l'Histoire, alors que son «je» figure à chacune des pages - un jour mangeant du mouton au riz graisseux dans le désert avec des chefs de tribu, le lendemain dînant dans un restaurant chic parisien, etc. -, nous restons confondus lorsqu'il lance cette adresse au peuple réuni à ses pieds sur la corniche de Benghazi: «Jeunesse de Benghazi, libres tribus de la Libye libre, l'homme qui vous parle est le libre descendant d'une des plus anciennes tribus du monde...» L'effet comique ne suffisant pas. Pour BHL, «tout» est relaté et «tout» est réel dans cette chronique, que ce soient les tractations avec ceux qu'il nomme «les révolutionnaires», ou, dans les coulisses du pouvoir, lors de ses entrevues à l'Élysée, son évidente maîtrise à convaincre Nicoléon que celui qui a raison, c'est lui, et personne d'autre! D'ailleurs, le philosophe et le prince-président paraissent ici à l'unisson, sans qu'on ne sache plus bien qui devient le concierge de l'autre au coeur de cette hystérie de prises de décision. (...) Le philosophe dresse de lui un portrait pour le moins flatteur, «faisant mentir ainsi bien des idées reçues le concernant» (dixit). (...) je suis dans un rôle où il ne s'agit plus ni de commenter, ni de célébrer, ni, encore moins, de s'extasier, mais d'influer». À la toute fin du livre, il dénonce - enfin - le lynchage de Kadhafi. Mais il ne s'interroge ni sur les curieux rebelles qu'il a soutenus, ni sur la légitimité de cette guerre de type néocoloniale, ni, encore moins, sur les racines de son propre discours de «justesse» et de «justice» de cette guerre comme façade idéologique: celle d'un moralisme politique, versus celle d'une authentique «morale politique» (Kant), Pathétique orgueil de vouloir jouer un rôle dans l'Histoire immédiate».(1.)

La Libye trois ans plus tard: un pays à l'abandon
Le Journal Le Monde qui a été un des premiers boutefeux se fend d'un mea culpa superficiel: «Il y a trois ans, lit-on le 19 mars 2011, l'aviation française, bientôt secondée par la Royal Air Force, l'une et l'autre appuyées par les Etats-Unis, intervenait en Libye. Essentielle pour appuyer les rebelles libyens qui combattaient au sol, cette opération débouchait, en octobre de la même année, sur la mort du dictateur Mouammar Kadhafi et l'effondrement de son régime. Triste anniversaire: la Libye est aujourd'hui un pays à la dérive, peut-être au bord de l'implosion.» (2)
Victorieux, l'opposition et les groupes de rebelles armés n'ont jamais su s'entendre pour administrer la Libye - immense contrée de quelque huit millions d'habitants, s'étirant de la Méditerranée aux déserts de l'Afrique subsaharienne. Aucun gouvernement solide n'a pu être formé. La semaine dernière, le dernier à avoir occupé le poste de Premier ministre, Ali Zeidan, a pris la fuite, destitué par le Parlement. On lui reproche d'avoir été incapable de reprendre le contrôle des installations pétrolières du pays, notamment des terminaux de la côte orientale, aux mains de groupes armés.» (2)
Signe de l'invraisemblable chaos régnant dans le pays, les exportations pétrolières se sont effondrées: d'un million et demi de barils/jour en 2011, elles sont passées à 235.000, selon la compagnie d'Etat, la NOC. Dans les grandes villes, l'insécurité atteint des records. Il n'y a plus de ministre de l'Intérieur. Milices et bandes armées tiennent la rue, cocktail de grand banditisme et d'islamisme. Ironie amère de l'Histoire: Londres, Paris et Washington déconseillent à leurs ressortissants de se rendre en Libye.(2)

Que font les Occidentaux après avoir occis El Gueddafi?
Dans son analyse, le journal Le Monde rapporte les propos du journaliste Patrick Cockburn l'un des meilleurs spécialistes du Proche-Orient, dans The Independant: «L'un des traits les plus stupéfiants des événements de Libye aujourd'hui est le peu d'intérêt qu'ils suscitent de la part de ces pays qui partirent si allégrement en guerre en 2011.» Selon Human Rights Watch, les milices retiennent quelque 8000 personnes dans leurs prisons où la torture serait routinière. Ces milices s'affrontent volontiers les unes les autres, et cette bataille prend, chaque jour davantage, l'allure d'un conflit destiné, in fine, à séparer l'est de l'ouest du pays. Ce triste tableau n'a pas pour objet de porter un jugement a posteriori sur l'intervention occidentale, encore moins de minimiser ce qu'a été la dictature de Kadhafi.»(2) «Soutenue par la Ligue arabe et l'ONU, l'opération de 2011 - que Le Monde a défendue - a été décidée dans un moment singulier: on pouvait raisonnablement craindre un massacre de grande ampleur dans la ville de Benghazi. Mais la réalité de la Libye d'aujourd'hui amène à poser cette question: peut-on se désintéresser à ce point d'une situation que l'on a, à tort ou à raison, quelque peu contribué à créer?» (2)
On peut raisonnablement craindre la disparition d'un peuple. Peut être -croyant au miracle- nous verrons un soutien du Monde un nouveau BHL véritable Tintin des démocrates,qui a dit-on essayé ses talents sur les barricades de Maidan à Kiev et qui dit-on a vite déchanté. Les Ukrainiens ne sont pas de la chair à canon! Ce ne sont pas des Arabes. La France a une responsabilité dans la tragédie libyenne. Elle n'avait pas de mandat pour bombarder le pays et renverser le régime. À côté, l'annexion soft de la Crimée est empreinte d'humanisme, de légalité et de compassion. Les Libyens vivent aujourd'hui un enfer, en comparaison duquel la dictature d'El Gueddafi était un paradis. Et personne n'assume! Les armes sont partout en Libye et aux mains des terroristes qui ont filé au Mali. Le chaos règne dans ce pays qui devient de plus en plus pauvre.

La partition en marche
L'impossibilité du pouvoir central à pouvoir s'entendre avec les différentes régions a amené le chaos. «Le gouvernement autoproclamé de la Cyrénaïque (est), bras politique de la rébellion, a annoncé au cours d'une cérémonie le début des exportations de brut depuis le port d'Al-Sedra, qu'il bloque depuis juillet. «Nous annonçons aux Libyens et au monde entier que nous avons entamé les exportations du pétrole», a déclaré Abd-Rabbo Al-Barassi, président du bureau exécutif de la Cyrénaïque, «nous ne défions pas le gouvernement ni le Congrès [Parlement]. Mais nous arrachons nos droits», a-t-il dit en dénonçant la marginalisation de sa région. Depuis juillet 2013, les autonomistes de l'Est libyen bloquent des sites pétroliers dans cette région, suspendant les exportations de brut et privant ainsi le pays de sa principale source de revenus. Leur chef, Ibrahim Jodhrane, autoproclamé en août président du bureau politique de la Cyrénaïque, avait initialement accusé le gouvernement de corruption. Après l'échec de médiations entreprises par des tribus et des responsables locaux, le gouvernement a menacé à plusieurs reprises de recourir à la force pour libérer les sites bloqués, sans toutefois passer à l'action. Il avait même menacé de bombarder tout bateau qui s'approcherait des ports pétroliers sans être lié par un contrat avec la NOC. On le voit, la force n'est pas payante. Le rêve d'une Libye unie est devenue une vue de l'esprit. La solution intermédiaire du fédéralisme ne semble pas convenir au pouvoir central. Pourtant, «les partisans du fédéralisme affirment agir sur la base de la Constitution de 1951 qui divisait le pays en trois régions: la Cyrénaïque, la Tripolitaine (ouest) et le Fezzane (sud), avant la suppression du système fédéral en 1963. «Nous n'oeuvrons pas à une partition du pays, a assuré samedi M.Al-Barassi. Les revenus du pétrole seront répartis sur les trois régions», a-t-il dit, promettant la transparence des transactions. Le blocage des ports pétroliers a provoqué une chute de la production de pétrole à 250.000 barils par jour, contre près de 1,5 million b/j auparavant. Depuis la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est confrontée à une forte instabilité politique, des tendances séparatistes et à des violences incontrôlées dans un contexte de prolifération des armes, qui rendent impossible son essor économique. On apprend en définitive, que les forces spéciales de la marine américaine ont pris le contrôle dans la nuit de dimanche à lundi 17 mars du Morning Glory, un pétrolier qui tentait d'emporter du brut acheté illégalement aux rebelles libyens de l'est du pays.

L'appel sans écho des autorités de la Libye
L'ex-Premier ministre libyen Ali Zeidan se serait réfugié en Europe quelques heures après avoir été destitué par le Congrès général national (CGN, Parlement du pays). Le gouvernement libyen accuse pour la première fois publiquement des «groupes terroristes» d'être derrière des dizaines d'attaques et d'assassinats contre les services de sécurité et les Occidentaux, survenus ces derniers mois dans l'est du pays. «La communauté internationale et les Nations unies en particulier à fournir l'appui nécessaire pour éradiquer le terrorisme dans les villes libyennes. La nation se trouve dans une confrontation avec des groupes terroristes, et il incombe au gouvernement de mobiliser ses forces militaires et de sécurité pour lutter contre ce fléau. les villes de Benghazi, Derna (est) et Syrte (centre) et d'autres font face à une guerre terroriste menée par des éléments libyens et étrangers aux programmes hostiles.» Les autorités libyennes n'ont pas mentionné un groupe spécifique, mais les villes citées sont des fiefs connus de plusieurs groupes extrémistes, dont en particulier le groupe Djihadiste d'Ansar Asharia.(3)

L'avenir de la Libye
«Il ne suffit pas de changer le chef du gouvernement, Ali Zeidan, pour éloigner la perspective d'un éclatement de la Libye, minée par les appétits pétroliers des tribus et des clans. 80% des ressources pétrolières sont situées surtout dans l'est du pays alors que le gouvernement siège dans l'Ouest! L'existence d'une Libye unifiée paraît de plus en plus compromise (...) le gouvernement de l'Iklim de Barqua, était décidé à camper sur ses positions, le pouvoir en Libye doit se situer là où se trouvent les richesses pétrolières. C'est au gouvernement de l'Iklim de Barqua de décider du partage de la manne aux autres régions. Par ailleurs, on apprend que les figures de proue des grandes villes de l'Est libyen se sont rendu au Caire, Ils ont rencontré le maréchal Abdel Fattah El- Sissi. Ce dernier, disait un des membres de cette délégation issu de la tribu El- Obeidate, aurait promis à ses visiteurs que l'Egypte soutiendrait les revendications légitimes de ses voisins, notamment dans leur lutte contre «les provocations» des terroristes islamistes. Le soutien égyptien consolide l'Iklim de Barqua face aux autres dirigeants libyens.» (4)
Où est l'identité libyenne dans tout cela? Est-elle indexée sur le pétrole? «Cet excrément du diable» disait Hugo Chavez. Il est fort à parier qu'à moins d'un miracle, la partition est en route. La Libye sera le troisième pays arabe après l'Irak (de facto) et le Soudan à faire les frais du Mepi et avant les préparatifs prochains pour découper le Yemen en six régions, la Syrie et plus tard l'Egypte avec la création d'une enclave copte, et pourquoi pas l'Algérie. Ne croyons pas que nous sommes indemnes. Nous devons plus que jamais militer avant toute chose, avant l'économie, avant les logements, pour l'unité, les libertés. Cela passe par une école performante, une culture de qualité mais aussi des espaces de brassage comme le faisait en son temps le Service national.
1. La guerre en Libye racontée par Bernard-Henri Lévy. Ou comment le «moi-je» devient la trame d'un récit d'aventure - tout le contraire d'un livre d'Histoire.
2. http://www.lemonde.fr/libye/article/2014/03/19/la-libye-trois-ans-plus-tard-un-pays-a-l-abandon_4385568_1496980.html
3. La Libye veut s'attaquer frontalement au terrorisme Le Monde.fr avec AFP 20.03.2014
4. http://mondafrique.com/lire/economie/2014/03/12/la-guerre-autour-du-partage-du-pactole-petrolier-fait-rage-en-libyei

Source : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/191951-vers-la-partition-ou-le-federalisme.html

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