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28 juillet 2014

Les leçons de Ghaza .

gaza

Par Badr’Eddine Mili
Peut-on, encore, s’autoriser, au risque de tourner en rond, à continuer d’échafauder des démonstrations qui viseraient à expliquer, rationnellement, la nature de l’Etat d’Israël, de la guerre qu’il mène contre les Palestiniens et, corollairement, celle des soutiens et des justifications multiformes que les puissances occidentales, Etats-Unis, Grande-Bretagne et France en tête, lui accordent et lui fabriquent sans compter ?
On serait tenté de répondre non, car tout ou presque a été dit et redit là-dessus et plus rien, à moins d’inventer, ne resterait à prouver. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’Etat sioniste se comporte de la sorte.
Le bellicisme fait partie de sa carte génétique si bien que les rares trêves intervenues dans sa longue histoire expansionniste ne sont observées que pour renouveler son potentiel militaire et le mettre au service de plans mûrement réfléchis et préparés, destinés, chaque fois, à frapper fort pour désarticuler la résistance et briser son organisation et son moral. Ce n’est pas, non plus, la première ni la dernière fois que les élites et les médias occidentaux, surtout français, qui campent sur ce créneau en pole position avec un zèle déroutant, se voilent la face, soutiennent l’insoutenable et font, systématiquement, passer l’anti-sionisme pour de l’anti-sémitisme franchissant le mur du «çon» en interdisant, avant de se raviser, manifestations de dénonciations et liberté d’expression artistique au nom de la défense de l’ordre public, un argument d’un ridicule qui ne fait plus honte.
Le parti-pris ne date pas d’hier et il ne sert à rien de le déplorer, aujourd’hui, parce que nul n’ignore que les Etats-Unis et l’Europe, en général, sont devenus, depuis 50 ans, des Etats asservis par le gouvernement de la finance internationale contrôlée par les gardiens de l’intégrisme judéo-chrétien qui délivrent oracles, modes d’emploi, feuilles de route et lignes à suivre à propos de tout ce qui touche aux conduites géostratégiques applicables au Proche-Orient et, plus généralement, au monde arabo-musulman. Est-ce à dire qu’il n’ y aurait plus rien à faire et qu’il faudrait, dorénavant, se résoudre à la fatalité de la résignation sinon de la soumission en déclarant, devant l’hécatombe et la terreur imposées au peuple palestinien, que tout combat ou toute velléité de combat sont condamnés, d’avance, à être perdus ?
Plus facile à dire qu’à faire, peut-on répliquer, si on considère ce que semblable gageure commande comme intelligence et renoncement aux anciens schémas et idées reçues ; en un mot, une véritable révolution à laquelle rien n’interdit de se donner les moyens de se hisser à la hauteur du gigantisme de l’Histoire.
Reprenons les choses là où elles ont commencé, là ou tout a été entrepris, dès le départ, pour établir, sur le terrain, sciemment et de connivence avec l’Internationale sioniste, un rapport de forces inégal entre Palestiniens et Hébreux, de la déclaration de Balfour qui entérina la création du Foyer juif jusqu’à nos jours.
Alors qu’en 1948 il était, seulement, question de mettre en place deux Etats sur la base du plan onusien de partition que Habib Bourguiba avait conseillé à la Ligue d’accepter, par réalisme, ce qui, en soi, constituait, déjà, un déni de droit et une flagrante partialité, les choses prirent une autre direction, après la déroute des armées arabes dans la première guerre qui les opposa à Israël.
Le peuple palestinien, numériquement et militairement faible, fut dépossédé de ses terres et dispersé aux quatre coins de la région dans le même temps où la colonisation juive était boostée grâce aux renforts fournis par les pays européens, antisémites, qui offraient, rongés par un complexe de culpabilité conditionné, toutes sortes d’avantages à leurs nationaux de confession judaïque transformés en migrants ouvrant droit à un statut de propriétaires d’un territoire qui, non seulement, ne leur appartenait pas mais, encore, qu’ils n’avaient jamais foulé de leur vie.
Et de fil en aiguille, le processus prit la forme de l’expansion, selon un mécanisme entretenu par la force et l’exclusion et l’on en arriva à la situation actuelle où l’idée, bien qu’encore toute théorique, de la création d’un Etat palestinien indépendant, consacrée par des résolutions internationales, est récusée, déclarée nulle et non avenue au lendemain de l’assassinat d’Ishak Rabin et de la radicalisation droitière du gouvernement, de la classe politique et de l’opinion israéliens qui a mené directement à l’enterrement des accords d’Oslo. 
L’existence même du peuple palestinien auquel l’Etat sioniste dénie le droit à l’autodétermination, au retour de ses réfugiés sur leurs terres et tout attribut de souveraineté sur sa défense et ses relations extérieures fut remise en cause, y compris dans son unité, lorsque les luttes fractionnelles au sein d’une Autorité fonctionnant dans les limites d’une quasi-fiction accordèrent à Tel-Aviv toute latitude de diviser celle-ci et d’isoler Ghaza du reste du territoire au moyen d’un blocus inhumain.
Pour en arriver à cette extrémité que les plus pessimistes n’avaient, à aucun moment, osé prévoir, il avait fallu que de nouveaux facteurs fussent intervenus, ces dix dernières années, dans cet espace, bouleversant totalement les donnes palestinienne et proche-orientale.
Il y en eut, au moins, cinq qui déterminèrent cette mutation finissant, au bout d’une maturation souterraine, par dénaturer les termes dans lesquels la question palestinienne se posa de 1948 à 1988, date de la proclamation par l’OLP, à Alger, de l’Etat palestinien.
- Le premier d’entre eux fut qu’une fois admise à s’installer sur la portion de territoire qui lui fut reconnue du bout des lèvres et sur la base d’un cahier des charges ultra-restrictif, la direction de la nouvelle Autorité abandonna, petit à petit, ses anciennes revendications, s’appuyant sur une nouvelle classe enrichie grâce à la corruption et au détournement de l’aide internationale, une perversion qui condamna une partie de l’OLP à collaborer avec l’entité sioniste et à s’aligner sur un réformisme démobilisateur qui fit avaler au peuple palestinien les grosses couleuvres de l’entraide sécuritaire, du mur de séparation et d’une colonisation ayant transformé la Cisjordanie en un fromage de gruyère.
- Le second facteur fut le renversement de tendance surgi au sein de l’Organisation de libération de la Palestine lorsque s’imposa, sur la scène politique, le Hamas, un démembrement de la confrérie internationale des Frères musulmans, un événement très fort qui provoqua l’ouverture d’une large brèche dans les rangs des formations qui en constituaient l’ossature. La montée en puissance du mouvement s’opéra au détriment du Fatah qui enregistra un net recul, coupé de ses soutiens populaires traditionnels, en raison du tiédissement et de l’érosion de ses positions révolutionnaires. Affaibli, ce vecteur du nationalisme des origines vit sa base se rétrécir, son étoile pâlir, contraint de se retrancher derrière les remparts de la Moukataa jusqu’à accepter de subir l’avanie de la contestation par son rival de l’Autorité qu’il dirigeait à Ramallah. La principale conséquence de la scission ainsi consommée fut d’ôter, progressivement, à la cause palestinienne son caractère foncièrement nationaliste, démocratique et laïque, glissant, de concession en concession, vers des positions idéologiques communautaristes et religieuses qui firent le jeu de l’Etat théocratique juif, complice, ayant toujours soutenu que la confrontation avec les Palestiniens était, d’abord et avant tout, d’essence religieuse.
- Le troisième déterminant fut lié à l’ascension conquérante du wahhabisme et du chiisme au Proche et au Moyen-Orient et à l’éclatement des anciens régimes de la région qui poussèrent le monde arabe dans une spirale suicidaire, sapant, à la racine, les capacités de ses Etats et de sa Ligue — une coquille vide — à opposer à Israël un front commun aussi soudé que le fut celui constitué, notamment, en 1973, usant de l’arme du pétrole qui déstabilisa, sérieusement, l’Occident.
- Le quatrième renvoie à l’évolution de la société palestinienne, elle-même totalement dépendante de l’aide étrangère et réduite à la double exploitation des occupants et de la bourgeoisie parasitaire locale, qui s’effectua, en dents de scie, coincée entre le blocus, une démographie galopante et l’exposition à l’activisme de l’obscurantisme le plus rétrograde. Dans ces conditions, les civils apparaissaient totalement désarmés, militairement et technologiquement, beaucoup plus victimes potentielles promises, d’office, à l’holocauste que résistants actifs capables de monter à l’assaut de la forteresse ennemie.
- Le dernier facteur qui a contribué à accentuer l’impasse dans laquelle la question palestinienne se trouva emprisonnée se rapporte aux nouveaux réflexes par lesquels la société israélienne se distingue aujourd’hui. Fonctionnant sur le mode du racisme anti-arabe le plus primaire, de larges fractions de cette société pressent leur gouvernement à plus de violence, appuyant les faucons de l’armée et accordant leurs suffrages aux partis qui surenchérissent le plus sur la sécurité et l’intégrisme religieux. Fini le temps des pacifistes, des minorités de gauche conciliatrices même si, de temps à autre, des mouvements sociaux manifestent leur impatience non pour en appeler à la paix, mais pour réclamer une colonisation plus virulente et l’accession des nouveaux migrants aux privilèges fournis par le partage des territoires et des influences. 
Avec ce tableau dominé par des massacres à répétition qui ne sont pas loin de ressembler à de l’épuration ethnique avec, en arrière-plan, le dépeçage des Etats nationaux d’Irak et de Syrie, la neutralité bienveillante de l’Egypte et la rivalité forcenée entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, l’équation à résoudre semble, a priori, émarger à l’ordre de l’impossible. Que faudrait-il que le peuple palestinien fasse pour éviter que son fait national soit, définitivement, dévoyé et que ses droits soient préservés dans leur intégralité ? Que faudrait-il qu’il fasse pour sortir de la quadrature du cercle que lui proposent, chacun de son côté, le Hamas qui ne dispose pas des moyens de sa politique et la chimérique Autorité qui ne profite, pour le moment, qu’à la bourgeoisie corrompue ?
Avec l’aide d’un arrière sûr et d’un environnement international actif, il doit réunir entre ses mains un faisceau de moyens politiques, militaires, économiques et intellectuels de résistance, de pression et de progression qui le maintiendraient sur une dynamique d’insoumission continue et de combat pour la restauration de son Etat national.
Il s’agit pour lui de passer à un autre stade de pensée et d’action à partir duquel il ferait table rase des anciennes recettes stériles et de déclencher une révolution totale par laquelle il deviendrait, de nouveau, maître de son destin. La mise en œuvre de cette nouvelle stratégie de renaissance et de réappropriation de sa légitimité passe par :
- la réhabilitation du fait national et sa libération du carcan religieux ;
- la reconfiguration de l’alliance de ses représentations politiques à inscrire dans une perspective qui rompt avec la domination de la bourgeoisie parasitaire locale et son réformisme collaborationniste ;
- l’abandon de la politique hypernataliste, un choix problématique qui accroît plus les risques de défaite par la médiocrité de la quantité qu’il n’assure une victoire, tout à fait improbable, par le nombre ;
- la mise en train d’une grande œuvre d’éducation et d’instruction de masse devant déboucher, à terme, sur la requalification du savoir et sur le contrôle des technologies militaires et scientifiques qui font la décision dans le monde moderne ;
- le déclenchement d’un vaste redéploiement politique et communicationnel en direction de l’opinion aussi bien en Israël que dans les pays occidentaux afin de regagner les anciennes sympathies des secteurs progressistes, démocratiques, antifascistes et antiracistes de ce précieux arrière et afin d’en 
susciter de nouvelles en explorant les gisements dormants qui n’attendent qu’à être convaincus ;
- la constitution d’une force de frappe militaire intérieure autrement plus opérationnelle que les brigades d’Al Kassam. Cette force de frappe, bien que difficile à monter dans les conditions d’un verrouillage sécuritaire total, devrait bénéficier du soutien des pays limitrophes à la condition, bien sûr, que les peuples de ces derniers renouent avec les révolutions démocratiques authentiques qui leur ont été confisquées. Les sceptiques diront que cette révolution prendrait du temps à prendre corps et que même arrivée à terme, elle ne posséderait pas les atouts suffisants capables de déjouer ou de gêner les stratégies planétaires des grandes puissances occidentales.
Qu’on se le dise, cette révolution ne vise, en aucune manière, à détruire Israël. Il s’agit, à travers elle, de rééquilibrer les forces et d’établir un rapport qui ferait aliéner à Israël les appuis inconditionnels dont il bénéficie aujourd’hui, plus simplement de pratiquer une realpolitik interactive valable également pour l’Etat hébreu. 
C’est un passage obligé pour les Palestiniens qui les affranchirait, définitivement, de la position de victimes expiatoires semblable à l’attitude adoptée par les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, refusant, sauf en Union soviétique, de combattre les nazis, les armes à la main, préférant prendre, de leur propre chef, le chemin des chambres à gaz avec une valise à la main.
Voilà résumées en quelques mots les leçons que le martyre de Ghaza nous oblige de tirer dans la géhenne déversée sur elle en ce mois sacré de Ramadhan pour que revive la Palestine éternelle, dans une paix et un respect partagés par tous les peuples de la région et du monde. 
B. M.

Source : http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/07/27/article.php?sid=166409&cid=2

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