PRINTEMPS ARABE : La grosse farce

Par Aissa HIRECHE - Jeudi 04 Septembre 2014 -

En fait, pouvait-on avoir un véritable printemps avec une Ligue qui, lorsqu'elle n'agit pas sous un chapiteau, se donne en spectacle dans des endroits douteux?

Les faux vents du prétendu printemps arabe avaient soufflé, qu'on se souvienne, sur la Tunisie, l'Egypte, la Libye, le Yémen et la Syrie. Si l'on introduisait les choses par leur fin, on dirait que tous ces pays connaissent actuellement une grande incertitude (Tunisie) quand ils ne nagent pas dans l'instabilité (Egypte et Yémen) ou lorsqu'ils ne sont pas aspirés carrément par le chaos (Libye et Syrie).
Benali, Moubarak et Abdallah Salah ne sont plus au pouvoir. El Gueddafi a été assassiné et le seul qui a pu échapper, jusqu'à présent, au ravage «printanier» est Bachar El Assad mais, franchement, on ne peut pas dire de lui qu'il soit dans de meilleurs draps. Après Benali, la Tunisie a terriblement vacillé sous la menace d'un terrorisme dont nous ne connaissons que trop les terribles monstruosités. Il a fallu beaucoup de bon sens aux Tunisiens, autant de concessions et énormément de pragmatisme pour éviter de se faire dévorer. Jusqu'à présent, et bien qu'il soit moins visible et moins pesant, le danger n'est pas totalement écarté, surtout à l'approche de leurs prochaines élections. Après Moubarak, l'Egypte ne savait plus sur quel pied danser et elle a presque, elle aussi, été emportée par la violence qui avait envahi le pays à un certain moment. Le danger persiste encore et, chaque jour, des informations d'attentats, d'accrochages etc. proviennent du pays du Nil. Les dernières dépêches en date faisaient état de la mort de onze soldats dans une embuscade à Rafah dans le Sinaï. Depuis le départ de Abdallah Salah, le Yémen n'a pas trouvé la stabilité minimale nécessaire à tout pays pour comprendre ce qui lui arrive. Des manifestations, des heurts auxquels il faut ajouter les agissements de certains groupes et de certaines sectes qui n'ont d'autres conséquences que de complexifier les choses au point de rendre la situation inextricable, et c'est le moins que l'on puisse dire. Aux groupes armés sortis du néant de la mort sont venus s'ajouter d'autres groupes dont le seul souci est le maintien de la déstabilisation du Yémen jusqu'à nouvel ordre.
En Syrie, la désolation prend pied. Elle grandit de jour en jour alors que la misère a déjà étalé son drap pour envelopper le pays et les citoyens. Bachar n'a pas encore bougé mais le peuple si. Trois millions, dit-on, ont quitté le pays et six millions ont changé de lieu de résidence à l'intérieur du territoire national. Les villes sont détruites, les habitations rasées, les rues éventrées et l'odeur de la mort envahit le ciel de ce pays qui, avant ce faux printemps, vivait autrement. Depuis qu'El Gueddafi a été lâchement assassiné, la Libye a perdu pied. Elle n'a eu de cesse que de s'enfoncer dans les sables mouvants de la violence et de la haine. Le nombre des milices est incroyable. Presqu'autant de milices que de citoyens. Toutes armées et toutes autonomes. La belle affaire! Conséquences: en Libye, il n'y a plus d'Etat. Il n'y a plus d'avenir au pays de Omar El Mokhtar. Bien sûr, il s'en trouve toujours des analystes qui expliquent cette disparition de l'Etat par la manière de diriger d'El Gueddafi qui, soutiennent-ils, n'avait pas mis en place les structures d'Etat nécessaires. C'est normal que ceux qui ont tué El Gueddafi lui reprochent tous les malheurs de ce monde. N'est-ce pas? Mais sa destitution nécessitait-elle vraiment la mise à la disposition des Libyens d'un tel arsenal d'armement. Les actions étaient réfléchies et les conséquences voulues; Sarkozy tenait à distribuer généreusement les armes en terre libyenne pour des raisons que l'Histoire commence à dévoiler. Aujourd'hui, il n'y a plus rien en Libye que les hurlements des armes et la déchirure du ciel de Tripoli, de Darna, de Zenten, de Tarhouna, de Gharyan, de Benghazi etc... Des avions tombent sur des habitations, entraînant des morts de plus en plus nombreuses. Les gouvernements succèdent aux gouvernements sans jamais pouvoir se prévaloir d'une quelconque autorité sur le pays. Est-ce cela donc le printemps? Ou bien est-ce que le printemps des Arabes ne peut être que particulier en ayant du sang à la place des fleurs et l'odeur de la mort à la place des senteurs de l'herbe fraîche les matins d'avril?
Je me rappelle, lorsque l'étincelle fut allumée à Benghazi, un jeunot, pourtant docteur en sciences po afficha sa joie de voir, enfin, le peuple se soulever pour renverser El Gueddafi. Aux doutes que j'émettais quant à la spontanéité et l'origine de cette «révolution», il éclata de rire en m'accusant de faire dans la théorie du complot. Et ça prétend enseigner à l'université les sciences politiques. Et ça enseigne réellement les sciences po! Il faut dire que, à la décharge du jeune homme, la farce était tellement bien préparée que beaucoup n'y virent que du feu. A cela, il est nécessaire d'ajouter que, de nos jours, les diplômes n'attestent pas forcément de connaissances ou de compétences. Ils signifient simplement qu'un cursus a été effectivement poursuivi à l'université. Comment et de quelle manière? C'est une autre paire de manches. Mais bon, passons! Il se trouve qu'aujourd'hui la Tunisie n'a pu remplacer Benali que, provisoirement, par un Moncef Merzouki. L'Egypte a élu un président qu'elle a, ensuite, mis en prison pour en choisir un autre. Le Yémen a un président qui ne sait plus quoi faire face aux demandes répétées de son départ. La Syrie regarde El Assad qui, en retour, la regarde en attendant une levée de jour improbable. La Libye, pour l'instant, semble bannie et n'a pu sortir du tourbillon de la haine et la violence. Drôle de printemps, drôle de printemps!

En fait, pouvait-on avoir un véritable printemps avec une Ligue qui, lorsqu'elle n'agit pas sous un chapiteau, se donne en spectacle dans des endroits douteux?

Source : http://www.lexpressiondz.com/actualite/201461-la-grosse-farce.html

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