CHARLIE HEBDO REFAIT DES SIENNES: Lorsqu'on est bousier on se nourrit d'excréments.

Par Aissa HIRECHE - Mercredi 14 Janvier 2015

Aujourd'hui, une fois encore, comme de nombreux musulmans, nous nous élevons contre le comportement ignoble et abject de ce journal qui est revenu à nous provoquer et à nous mépriser, avant même que nous ayons fini de lui présenter nos condoléances.

Depuis l'attaque dont il a été victime mercredi dernier, Charlie Hebdo n'a pas fini de faire parler de lui. Quelques jours, au centre de l'intérêt d'une bonne partie de l'humanité, ont fait de lui une victime particulière, presqu'un martyr d'une cause pour laquelle d'autres ont donné, pourtant leur vie bien avant ce 07 janvier 2015, une cause sur laquelle tout le monde n'est pas tout à fait d'accord vu ses utilisations peu constantes et ses emplois souvent conjoncturels. Mais, dans des moments de malheur, on ne juge ni les gens ni leur malheur, on se contente de leur apporter ce qu'on peut de soutien, en tant qu'êtres humains, de quoi alléger la peine.
Mais Charlie Hebdo a voulu rester au-devant de la scène. Il ne veut pas revenir vers l'ombre qui est sa place naturelle. Il a décidé de garder les projecteurs de l'actualité braqués sur lui encore le temps qu'il peut, histoire de profiter de l'occasion pour faire du commerce et vendre un maximum d'exemplaires car ceux qui font le journal savent que, en temps normal, Charlie Hebdo assure le tirage juste moyen d'un journal non moins moyen et qu'il a des difficultés à pourvoir à ses dépenses. Alors, pour une fois que tout le monde parle de lui, une fois qu'autour de lui est tissée une publicité incroyable et gratuite qui dépasse tous ses rêves, il veut se saisir de l'occasion pour assurer de grosses ventes. C'est de bonne guerre, diraient certains car, après tout, si Netanyahu a poussé l'insolence jusqu'à vouloir récupérer la tuerie de Charlie Hebdo pour son élection en Israël, on ne voit pas pourquoi le collectif de Charlie Hebdo s'en priverait.
Mais lorsqu'on est petit de nature, on ne peut pas sauter haut. On se contente juste de sautiller à sa mesure et c'est ce qui se passe avec Charlie Hebdo qui, en voulant faire un grand coup, s'est vite retrouvé au coin dans son urinoir puant car, lorsqu'on est bousier, on cherche les excréments et l'on ne se nourrit pas d'autre chose.

Ignoble, exécrable et infect
Cela tient, un peu, de sa nature de provocateur, un peu de son entêtement, mais dans tous les cas, Charlie Hebdo aime retomber dans sa petitesse. C'est bien dommage car il avait l'occasion de sortir du sillon exécrable de la profanation et de s'arracher au puits infect de l'irrespect qu'il affectionnait jusque-là. Sinon, comment expliquer qu'il ait décidé de faire pour son nouveau numéro un dessin provocateur pour les musulmans? Est-ce que la provocation des musulmans fait vendre? Est-ce que l'irrespect à l'endroit de l'islam et des musulmans est en train de devenir un fonds de commerce? Ignoble raisonnement en tout cas! Et ignoble idée que de mettre une autre fois le Prophète (Qsssl) de l'islam à la Une du nouveau numéro! «Chassez le naturel, il revient au galop» dit-on et, aujourd'hui, on comprend bien pourquoi le proverbe est dans la langue de Charlie Hebdo.
Ceux qui ont marché pour Charlie, ce dimanche à Paris, l'ont fait pour défendre d'abord le droit à la vie de tout individu sur terre. Ils l'ont fait aussi pour dire aux criminels de toutes les espèces que la vie doit être préservée et non détruite. Ils ont marché aussi pour défendre le droit de tous à s'exprimer librement sans contrainte et sans peur car, autrement, la vie serait une terreur mais ces millions de femmes et d'hommes venus d'un peu partout de la France et du monde n'ont pas marché pour défendre le droit à l'insulte, à l'invective, à la provocation, à l'irrespect et au mépris d'une partie de l'humanité.
Nombreux étaient les musulmans qui avaient couru apporter leur soutien aux victimes de l'attaque de Charlie Hebdo et tous les musulmans ou presque n'ont pas hésité à condamner la tuerie du mercredi 07 janvier. Charlie Hebdo a trouvé le meilleur moyen de les remercier: l'ingratitude manifeste qui fait partie des traits de personnalité innés d'une certaine espèce d'individus.
Il y a quelques années, comme beaucoup de musulmans, lorsque Charb avait repris les caricatures danoises sur son journal, nous avions condamné sans équivoque. Ce mercredi, comme beaucoup de musulmans aussi, nous avons condamné sans attendre l'attaque contre Charlie et défendu son droit à la liberté d'expression. Aujourd'hui, une fois encore comme de nombreux musulmans, nous nous élevons contre le comportement ignoble et abject de ce journal qui est revenu à nous provoquer et à nous mépriser, avant même que nous ayons fini de lui présenter nos condoléances. Quel abject comportement! La vache!

De quelle liberté d'expression parlons-nous?
Il n'est certainement pas facile de quitter ses véritables dimensions, surtout lorsqu'on est petit, tout petit et il est difficile alors de s'élever même dans les moments les plus malheureux mais nous, les musulmans, encore une fois provoqués, avons trop de respect pour les morts, même lorsqu'il s'agit de ceux qui, de leur vivant, nous insultaient. Ce n'est pas Mohammed (Qsssl) qui a attaqué le siège de Charlie Hebdo. Ce ne sont pas les musulmans qui l'ont fait! Ce sont juste quelques gosses, français de surcroît, dont la France, occupée à favoriser une partie de ses citoyens par rapport aux autres, n'a pas su prendre soin et les a aidés à partir au djihad dans des pays lointains. Ceci explique pourquoi la France est interpellée plus que les musulmans sur la tuerie du Charlie Hebdo. C'est pour ces raisons et pour beaucoup d'autres encore que le dessin de la Une du numéro de ce mercredi est déplacé, irrespectueux, ingrat, ignoble, exécrable et infect. Adieu Charlie, tu as tenu à tomber trop bas et l'on n'a ni le temps ni la volonté de nous baisser si bas!
Nombreux sont ceux qui, au nom de la liberté d'expression, défendent le droit de Charlie Hebdo à caricaturer le Prophète (Qsssl) de l'islam et à provoquer ainsi les musulmans. Or, pour beaucoup moins que cela, ces défenseurs occasionnels et malhonnêtes des droits de l'homme, ont été prompts à condamner, à censurer et même à frapper d'interdiction ce même journal (dans son précédent titre de Hara Kiri Hebdo) en novembre 1970 lorsqu'il s'était moqué de la mort de De Gaulle («Bal tragique à Colombey, 1 mort» tirait-il alors à la Une). De Gaulle, auquel nous vouons le respect qui sied à son rang, n'était et n'est pas, à notre connaissance, un prophète.
Ce qui s'appelle, de nos jours, liberté d'expression, Homère, s'il était là, l'aurait appelée l'hydre à dix têtes, et Brel, s'il était là, l'aurait nommée la valse à mille temps. Nous l'appelons liberté d'expression et nous en faisons un principe de la démocratie, de la modernité et de la République et, chaque matin, en nous réveillant, nous courons vérifier qu'elle est encore une base essentielle de la liberté dans les pays modernes et les sociétés d'aujourd'hui. Nous l'appelons liberté d'expression et nous lui demandons de mener l'Humanité vers des lendemains meilleurs et certains passent leurs après-midi de vacances à la violer sur les plages désertes de la République et même sur les tapis mal nettoyés de la démocratie. La liberté d'expression, du moins pour ce qu'en font certains, ressemble à un tatouage. Il y a ceux qui le portent sur le front, il y a ceux qui le portent sur les bras, mais il y a ceux qui le portent sur le dos, sur les fesses et même ailleurs. On ne la voit pas du même oeil et, en parlant de la liberté d'expression, on ne parle pas forcément de la même chose.

Source : http://www.lexpressiondz.com/actualite/208848-lorsqu-on-est-bousier-on-se-nourrit-d-excrements.html