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16 décembre 2013

Pourquoi pas un traité algéro-français?

France_Alg_riePar Pr Chems Eddine CHITOUR - Lundi 16 Decembre 2013 -

 «Je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande. C'est la civilisation qui marche sur la barbarie. C'est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde, c'est à nous d'illuminer le monde.» Conversations de Victor Hugo et du général Bugeaud...

Une fois de plus, l'Algérie et la France se rencontrent et ont la possibilité de faire un inventaire courageux de leur passé commun en tentant d'avancer sur la voie de la réconciliation qui, comme le martelait l'immense Mandela, ne peut se faire que s'il y a d'abord vérité. En l'occurrence, depuis l'indépendance nous n'avons jamais eu d'avancée significative, les gouvernants des deux pays sont obligés de faire avec les pesanteurs de chacun de leur peuple. Résultat des coures: nous avançons à doses homéopathiques sur le chemin de la vérité. Exception faite pour la période du président Chirac qui nous a donné l'illusion que la réconciliation était à portée de main. L'avènement du quinquennat de Nicolas Sarkozy donna un coup d'arrêt brutal à cette vision d'un traité entre l'Algérie et la France. J'avais à cette époque décrit cela dans un ouvrage que j'avais intitulé «De la Traite au traité: histoire d'une utopie.» Nous allons dans cette contribution, au risque de remuer le couteau dans la plaie, décrire le calvaire du peuple algérien. Quand Victor Hugo confortait Bugeaud dans «sa conquête» par le fer et par le feu, c'est pour nous la description de toute l'ambivalence de la civilisation française. Nous lisons avec effroi des textes écrits par des écrivains et des poètes que nous avons appris à aimer. C'est dire, si nous tombons de très haut à la lecture de ces textes, que l'on peut tout à fait retrouver sous la plume d'un Renan, d'un Gobineau, voire de Jules Ferry.

L'invasion
Des raisons de la conquête de la Régence d'Alger par les Français en juillet 1830, on connaissait la version officielle. Tout commence le 30 avril 1827. La conquête de l'Algérie est-elle justifiée seulement par le désir de venger l'affront fait à un diplomate? Non, répond Pierre Péan, auteur de Main basse sur Alger, un ouvrage qui retrace les dessous de l'entreprise française. Et si cette conquête avait été menée dans le but de faire main basse sur les immenses trésors de la régence d'Alger. Les trésors? L'équivalent de plus de 500 millions de francs de l'époque (soit 4 milliards d'euros). Le général de Bourmont, qui s'était tristement illustré à Waterloo en désertant, est chargé de lever les armées. Qu'est-il advenu de cette immense fortune que des navires entiers ont fait sortir d'Alger? La plus grande partie du trésor de la Régence et des pillages opérés dans la Casbah, dans la ville et dans les environs d'Alger a donc abouti dans les poches des militaires, de fonctionnaires des Finances, de banquiers, de négociants et d'aventuriers mais aussi dans celles du roi des Français, indique Pierre Péan. Indépendamment de la prise de 1500 canons (la pièce d'artillerie - Baba Merzoug - est expédiée à Brest le 27 juillet 1833), de 12 bâtiments navals, d'immeubles considérables et de la mise à sac de la ville jamais estimée. Quant à
l'expédition, elle avait été évaluée à 25 millions de francs! Le trésor fut chargé sur 5 navires: l'or sur le Marengo et le Duquesne, l'argent sur le Scipion, le Nestor et la Vénus. L'officier-interprète Urbain, dans son Histoire de l'Algérie écrira: Les édifices publics, les riches villas des environs d'Alger furent saccagés par les soldats qui détruisaient pour le plaisir de détruire... sans que les chefs opposent la moindre résistance à ce vandalisme.» De son côté, l'intendant Raynal, évoquant les Algérois, «ces prétendus barbares», rapporte un fait qui lui paraît décisif en faveur de l'opinion qu'il a conscience de la civilisation des Maures. «Il existe, écrit-il, à Alger un grand nombre d'écoles où l'on suit un mode d'instruction fort analogue à notre enseignement mutuel. Elles sont fréquentées par tous les enfants maures ou koulouglis, et je ne crois pas trop m'avancer en affirmant que l'instruction est plus répandue dans cet ancien repaire de pirates que dans beaucoup de villes de France.»
Le choc fut terrible: les Algériens furent dépouillés matériellement, ils devinrent des mendiants sur leur propre terre. Ils n'eurent plus la possibilité de s'instruire. La première chose que fit l'Armée d'Afrique fut d'aliéner les biens habous, asséchant, du même coup, l'enseignement et démolissant du même coup les mosquées. Trente ans après l'invasion, on dénombrait seulement une douzaine de mosquées sur les cent soixante-dix mosquées. De l'avis même de Alexis de Tocqueville, colonialiste convaincu, la France a rendu les Algériens beaucoup plus arriérés et plus barbares qu'avant l'invasion. Pendant plus de soixante-dix ans, le peuple algérien se rebella, se révolta, n'accepta pas le joug colonial.

Ce que fut la colonisation: l'oeuvre positive de l'Algérie envers la France
«Lorsqu'on voit écrit Jean Daniel dans son ouvrage «Le temps qui reste», ce que l'occupation allemande a fait comme ravage dans l'esprit français, on peut deviner ce que l'occupation française a pu faire en cent trente ans en Algérie.» Cette phrase résume à elle seule la tragédie de la colonisation. La clochardisation de la société algérienne, pour reprendre une expression de Germaine Tillon, fut réelle nous voulons rapporter en honnête courtier, montrer que la colonisation française ne fut pas un long fleuve tranquille. Nous allons dans un premier temps décrire l'apport de l'Algérie pour le rayonnement des occupants pendant plus de deux mille ans. Tout au long de ces 132 ans, l'oeuvre coloniale ne fut pas positive car le fameux bréviaire décliné de toutes les façons possibles, mise en valeur des territoires, diffusion de l'enseignement, fondation d'une médecine moderne, créations d'institutions administratives et juridiques, bref, les traces de cette oeuvre incontestable à laquelle la présence française a contribué, eurent lieu certes, mais ne profitèrent objectivement qu'à la population européenne et à la métropole. Certes, nous l'avons écrit, à titre individuel des instituteurs, des médecins, des Européens admirables tentèrent d'alléger les souffrances des Algériens, mais ils furent, en petit nombre. Nous leur serons à jamais reconnaissants. Les rares Algériens instruits furent selon la belle expression de Jean El Mouhoub Amrouche, des voleurs de feu. Moins d'un millier d'Algériens formés en 132 ans, cela explique, les errements de l'Algérie après 1962. Après la conquête brutale, la politique du talon de fer, du sabre, et avant celle du goupillon, ce fut la curée, nous allons brièvement rappeler quelques faits indéniables connus et insuffisamment reconnus, voire niés par la France envers les sujets de l'Empire. Des centaines de milliers d'hommes sont partis guerroyer pour la France et leurs sacrifices ne sont toujours pas reconnus. Il reste que l'image du tirailleur libérateur de la France occupée ne permet pas d'appréhender, dans toute sa complexité, l'histoire des troupes coloniales.»
Pour l'Histoire, des Algériens furent recrutés dans les troupes françaises depuis 1837 (les fameux turcos) on parle justement de ces zouaouas (Berbères) recrutés par tous les moyens - la famine, la peur que l'on appela les zouaves au point que la statue du zouave du pont de l'Alma indique les crues de la Seine. Ils furent ensuite envoyés lors de la guerre du Levant en 1865. Ensuite, ce fut la guerre de Crimée, la guerre de 1870: parmi les plus braves, on cite les Algériens qui arrivèrent à enlever une colonne à Wissembourg, moins d'une centaine de rescapés sur les 800 du fait d'un chassepot allemand qui fit des ravages. Après le cauchemar de Verdun et du Chemin des dames, des milliers d'Algériens y laissèrent leur vie. Du fait de la conscription obligatoire, pratiquement chaque famille eut un soldat engagé, qui mourut ou qui revint gazé ou traumatisé à vie. Moins de dix ans plus tard, ces Algériens se retrouvèrent à guerroyer dans le Rif pour combattre d'autres musulmans, notamment les troupes de l'émir Abdelkrim. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les troupes coloniales furent, d'emblée, massivement intégrées aux plans de bataille et, placées en première ligne, elles payèrent un très lourd tribut lors des combats de mai et juin 1940. Plus tard, les troupes alliées, en débarquant en Italie, sont remontées petit à petit vers le Nord. Elles furent cependant bloquées à Monte Cassino. On fit appel, une fois de plus, aux troupes coloniales françaises constituées de tirailleurs algériens et marocains. Elles défoncèrent, au prix de pertes très lourdes, les lignes allemandes le 22 mai 1944. Par la suite, sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, 260.000 soldats, majoritairement nord-africains, débarquent en Provence et libèrent Toulon et Marseille le 15 août 1944. Il y eut 140.000 soldats algériens. Il y eut 14.000 morts et 42.000 blessés. Ce sont, en partie, ces soldats qui revinrent ensuite au pays, pour voir leurs familles massacrées un jour de mai 1945... Il a fallu le film «Indigènes» pour que le président Jacques Chirac, touché par la sincérité du film, annonce une revalorisation des pensions des combattants qui étaient cristallisées dit-on depuis près de cinquante ans.
Il y eut ensuite les - «guerriers» - du BTP, des mines ou de la sidérurgie. Des Algériens ont participé à la reconstruction de la France. Pour la plupart, les Chibanis meurent lentement et en silence, en détresse devant l'indifférence générale dans les foyers de la Sonacotra.
Par ailleurs, on ne peut pas passer sous silence l'apport culturel de l'Algérie. Pourtant, malgré tout ce déni de personnalité, l'Algérie eut aussi sa part, souvent la plus terrible dans le rayonnement de la France. A la fois pour défendre ses frontières, développer son économie, et participer par l'enseignement du français au rayonnement culturel de la France qui peine à résister- même avec la francophonie- à l'anglais. En 2013, d'une façon ou d'une autre, 38 millions d'Algériens parlent pensent et achètent, à des degrés divers, français, sans faire partie de la francophonie qui a pour les Algériens des relents de Françafrique. Mieux encore, une grande partie de la matière grise est attirée par la France qui reçoit ainsi, sans avoir dépensé un sou, la fine fleur de l'Algérie. Les Algériens ont fait fructifier le «butin de guerre» que fut la langue française, à telle enseigne que l'Algérie, paradoxalement, est le deuxième pays francophone, elle a donc non seulement défendu la langue, l'a enrichie en lui adjoignant des termes spécifiquement algériens mais, cerise sur le gâteau offert à l'Académie française une écrivaine de talent en la personne d'Assia Djebar.
Enfin, la France ne peut pas ignorer qu'une grande partie des pièces archéologiques qui sont la mémoire de l'Algérie sont quelque part dans tous les musées de France. La France s'honorerait à restituer ce patrimoine, notamment les ossements et les crânes des combattants algériens de la Liberté. Les Algériens qui ont sauvé les Français de confession juive. Un fait ignoré à dessein et l'apport des Algériens à la résistance française. Un tract rédigé en tamazight circulait parmi les émigrés algériens kabyles lors de la rafle des juifs le 16 juillet 1942 à Paris. Leur demandant de protéger les enfants juifs «Ammarachnagh» «comme nos enfants». Les Algériens du FTP (Francs-tireurs partisans) avaient aussi pour mission de secourir et de protéger les parachutistes britanniques et de leur trouver un abri.

Les traités signés par l'Algérie et la France
L'indépendance de l'Etat algérien était une évidence que ne pouvait atteindre l'affirmation sans fondement d'une prétendue vassalité à l'égard de la «Sublime Porte». Au cours du XVIIe siècle écrit l'historien Charles-André Julien dans son «Histoire de l'Afrique du Nord» «Les Régences d'Alger et de Tunis se dégagèrent de l'autorité de la «Sublime Porte»...L'Algérie avait son autonomie et n'était liée à la Turquie que par un lien moral: le Khalifat de l'Islam.». L'Etat algérien, était reconnu comme tel par les puissances. Pour l'Histoire, la reconnaissance de la première République française a été faite par le Dey d'Alger le 20 mars 1793. C'est la Régence d'Alger qui vint au secours de la République française naissante en acceptant de lui vendre du blé alors qu'elle était sous embargo européen. Les monarchies s'étant liguées contre la France. C'est cette créance qui n'a pas été honorée par les pouvoirs successifs en France et qui amena en prime l'invasion!
Pour l'Histoire, l'Algérie a signé avec la France depuis la première attaque contre ses côtes en 1299, plus d'une cinquantaine de traités. Souvenons-nous à titre d'exemple, du traité d'amitié entre François 1er et Kheir-Eddine Barberousse vers 1520, contre Charles Quint. L'Algérie a souvent signé aussi des traités avec le Royaume de France. Le plus connu est le Traité de paix de cent ans entre Louis XIV Empereur de France. Des traités furent conclus avec l'Émir Abd-el- Kader le 28 Février 1834 et le 30 avril 1837. Ces traités qui furent dénoncés par Bugeaud...

Pourquoi pas un traité?
S'agissant de la philosophie du traité de l'Algérie avec la France, les positions sont dissymétriques, d'un côté, un pays, le plus grand d'Afrique qui a des atouts économiques (et énergétiques), une jeunesse exubérante. De l'autre, un pays riche, puissant technologiquement et militairement très avancé et qui compte comme la cinquième puissance économique du monde plus de 2000 milliards de PNB contre 200 pour l'Algérie... Que devons-nous attendre d'un traité? Les relations entre l'Algérie ne doivent pas seulement être d'ordre économique. On peut encore continuer comme cela pendant cinquante autres années, la douleur est là. Deux domaines peuvent, le pensons-nous servir de trait d'union et de modèle de coopération entre la France. Il y a d'abord l'investissement dans le savoir. A ce titre, la construction d'une grande bibliothèque à l'instar de la bibliothèque d'Alexandrie serait à n'en point douter une juste réparation pour celle qui est partie en fumée un jour de juin 1962...
Nous avons besoin, en tant qu'Algériens, d'une coopération dans la dignité, forte au nom de l'histoire et du capital culturel qui a, été sédimenté dans le sang et la douleur. Le moment est venu de penser à ériger un institut de la mémoire où notre Histoire commune sera étudiée sans état d'âme. L'Algérie ne fait pas de sa douleur passée une pompe à finance ad vitam aeternam. Elle veut retrouver toute sa dignité. Les Algériens veulent regarder vers l'avenir mais ils pensent que la France peut faire le geste salvateur qui permettra de donner une impulsion décisive à la réconciliation. L'exemple d'Adenauer et de De Gaulle est à méditer.
Nous voulons croire, à ces mots de Jacques Chirac prononcés en mars 2003 à Alger: «Le temps et notre long dialogue, jamais interrompu, ont fait leur oeuvre. Nos deux nations cicatrisent les blessures du passé. Elles en assument la mémoire. Une ère nouvelle s'ouvre. De part et d'autre de la Méditerranée, Algériens et Français se tendent une main fraternelle. Dans notre monde secoué par les crises, traversé par le doute et l'incertitude, où certains sont tentés par le repli sur soi, le refus de l'autre et la violence, puissent l'Algérie et la France faire entendre leur voix. Puisse leur volonté obstinée leur permettre de délivrer un message de solidarité et de paix tout autour de la Méditerranée et au-delà!»
L'Algérie et la France, le croyons-nous, ont besoin de sceller leur entente par un traité pour tourner une page douloureuse et inaugurer ce faisant, une nouvelle ère basée sur le respect réciproque. A n'en point douter, cette nouvelle refondation sera un facteur d'équilibre dans une région qui a grand besoin de stabilité.

Source : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/186263-pourquoi-pas-un-traite-algero-francais.html

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