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4 août 2014

Saïd Djinnit. Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU: C’est toute l’Afrique qui est en transition.

said_djinnit

Le 04.08.14

Il sillonne l’Afrique depuis plus d’une vingtaine d’années sous la casquette de l’OUA puis de l’UA. Depuis 2008, il porte une autre casquette des Nations unies dont il devient le chef du bureau en Afrique de l’Ouest. Saïd Djinnit est sans doute l’un des plus brillants diplomates algériens de sa génération.  Il vient d’être fraîchement désigné (le 17 juillet dernier) envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU dans la région des Grands Lacs, avec les compliments des grandes puissances et de hautes personnalités internationales. Le diplomate fait, pour El Watan, un tour d’horizon sur les conflits qui agitent le continent et leurs soubassements. Il esquisse également les conditions d’une Afrique apaisée et tournée vers le développement, tout en mettant le doigt sur les enjeux géopolitiques et géostratégiques qui l’enserrent.

-Tout d’abord, félicitations pour votre nomination comme envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs. Pourriez-vous, avant d’évoquer les enjeux dans cette région, nous faire un petit bilan de votre mission au bureau de l’ONU en Afrique de l’Ouest ?

Je viens de passer près de six ans et demi en qualité de représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest. Je suis arrivé dans cette région à un moment crucial. Entre 2008 et 2010 il y a eu, rappelez-vous, cinq coups d’Etat, si je compte celui du Mali qui a eu lieu un peu plus tard, mais que je situe dans la même phase historique. Il y a eu aussi des processus électoraux très compliqués.
Au nom des Nations unies, je me suis engagé avec les représentants des organisations régionales, notamment l’Union africaine et la Cédéao pour faire en sorte d’éviter que ces crises ne dégénèrent. Nous avons ainsi pu, ensemble, aider des pays comme la Mauritanie, le Niger, la Guinée et le Togo à asseoir une stabilité, même si celle-ci est bien souvent relative. C’est là un des éléments importants de ma mission.

Le bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest que je dirige s’est aussi engagé, en coopération avec la Cédéao et d’autres organisations régionales, à promouvoir des dispositifs de lutte contre la piraterie maritime, le trafic de drogue et le crime organisé. Par ailleurs, nous nous sommes impliqués dans les efforts visant à stabiliser la région de l’Union du fleuve Mano. Nous nous sommes employés à promouvoir des mesures pour renforcer la sécurité et la coopération entre les Etat membres. Il faut savoir que sur les quatre pays de l’Union (Guinée, Liberia, Sierra-Leone et Côte d’Ivoire), trois ont connu des conflits violents.

La Côte d’Ivoire a connu une situation compliquée après l’élection présidentielle de 2010. Pour sa part, la Guinée a vécu une transition tout aussi difficile, après la mort du président Conté et la prise du pouvoir par la junte militaire. Nous avons dû, avec le représentant de l’UA et le président de la commission de la Cédéao, ainsi que le Groupe international de contact, accomplir un travail énorme pour créer les conditions propices à l’organisation de l’élection présidentielle en 2010, la première élection démocratique dans ce pays. Ensuite, le pays a hélas sombré à nouveau dans la violence au cours du processus de préparation des législatives.

J’ai été, à la demande des parties guinéennes et sur décision du Secrétaire général de l’ONU, désigné facilitateur international du dialogue interguinéen, qui a abouti à l’accord du 3 juillet 2013 qui a créé les conditions pour la tenue d’élections législatives pacifiques en septembre 2013. Je peux dire que nous avons fait un bon travail dans ce pays et lui avons évité de connaître une crise plus grave, voire un conflit violent.

-Justement, on a tendance à parler uniquement de coups d’Etat dans ces pays, alors qu’il existe des problèmes non moins dangereux comme la piraterie, le trafic de drogue, le crime organisé…   Quand j’étais Commissaire à la paix et la sécurité de l’Union africaine, je ne réalisais pas l’ampleur de ces phénomènes. Mais à mon arrivée en Afrique de l’Ouest en 2008, j’ai tout de suite pris conscience de la gravité de la situation dans cette région, considérée à l’époque comme une zone de transit de cocaïne en provenance de l’Amérique latine et à destination de l’Europe. La situation était déjà suffisamment grave, car le trafic de drogue nourrissait toutes sortes d’autres trafics, érodait l’autorité des institutions des Etats, entretenait la corruption et encourageait le trafic d’armes légères. A l’époque déjà, des experts prédisaient que, à terme, cette région deviendrait une zone de consommation. Aujourd’hui, c’est chose faite : en plus d’être une zone de transit de la cocaïne en provenance d’Amérique latine et, depuis quelque temps, de l’héroïne en provenance d’Asie, l’Afrique de l’Ouest est aussi une zone de consommation de drogue et désormais une zone de production de cannabis et d’amphétamines !

-Que font les dirigeants de ces pays face à la prolifération du trafic de drogue ? Y sont-ils eux aussi mêlés ?

Le rôle du bureau des Nations unies est d’aider, en liaison avec la Cédéao, les pays de la région et leurs dirigeants à tous les niveaux à prendre conscience de la gravité de la situation et de la nécessité d’une riposte concertée face à cette menace. Nous avons accompli des progrès, mais la bataille est loin d’être gagnée ! Beaucoup reste à faire pour mettre en place des dispositifs efficaces de lutte contre le trafic de drogue aux niveaux national et régional avec l’appui des pays d’origine et de destination.

-Surtout que certains chefs d’Etat de la région sont directement impliqués dans le trafic de drogue…

On dit, en effet, que certaines personnalités haut placées dans des Etats sont impliquées dans ce trafic de drogue. Il y a certainement des cas, mais je n’ai pas d’information précise. On présume, selon des recoupements disponibles, qu’il y aurait des personnalités politiques complices avec les narcotrafiquants. De toute façon, c’est comme cela que les réseaux mafieux agissent : par la corruption des personnalités les mieux placées dans les institutions de l’Etat pour ainsi continuer à jouir de l’impunité. C’est vous dire qu’il y a énormément de travail à accomplir pour faire prendre conscience aux dirigeants de ces pays, à tous les niveaux de responsabilité, et aux citoyens ordinaires de la gravité de la situation, mais surtout pour mettre en place des mesures efficaces de lutte contre ce trafic.

-Vous étiez tellement pris par les problèmes de l’Afrique de l’Ouest que vous n’avez pas vu venir la grave crise au Mali…        

Il faut avouer que la crise libyenne a servi de facteur déclencheur du conflit dans le nord du Mali qui connaissait certes déjà une instabilité chronique avec ses rebellions récurrentes. Mais l’installation des éléments d’AQMI, l’afflux massif d’armes de Libye et le retour des combattants ont précipité les événements.  Il y a eu la poussée vers le sud des groupes armés combinant des éléments terroristes et des membres de la rébellion, puis la riposte internationale avec initialement l’intervention des forces françaises puis celle des contingents ouest africains et africains et enfin l’opération des Nations unies pour aider à stabiliser le Mali.

-Un processus de négociation est engagé et la première partie vient de s’achever, ici à Alger. N’était-il pas plus judicieux de commencer la négociation avant l’action armée ?

Il faut toujours négocier avant les hostilités pour essayer de faire l’économie d’une confrontation militaire et des pertes en vies humaines, des souffrances et des destructions matérielles qu’elles engendrent. Si ces confrontations ont lieu, c’est parce qu’on n’a pas pu les empêcher, ou alors qu’elles se sont imposées à tout le monde. C’est ce qui s’est passé au Mali. Aujourd’hui, l’Algérie a repris le relais de la médiation qu’elle a déjà assumée par le passé.

-La ligne de conduite de l’Algérie, s’agissant du Mali, est-elle, selon vous, conforme à sa doctrine diplomatique comme par exemple négocier avec Ançar Dine qui s’est avéré être un groupe terroriste ?

L’Algérie a pris des contacts avec le mouvement Ançar Dine à l’époque où ce dernier était invité à la table des négociations par le médiateur officiel de la Cédéao et a même signé des accords à Ouagadougou. Je pense que l’Algérie s’est donné toutes les chances pour réussir sa médiation en cours. Elle s’est assurée d’un processus de négociation inclusif puisque toutes les parties maliennes sont venues à Alger ainsi que tous les acteurs régionaux et internationaux.   
S’il y a un dossier que l’Algérie connaît bien, c’est bien celui du Mali compte tenu de la proximité géographique, des liens culturels, de son engagement ancien et constant dans la recherche d’une paix durable au nord du Mali. J’ajouterais qu’il y a des équipes qui ont acquis une solide expérience du dossier, un savoir-faire et un talent qui donneront leurs fruits durant ce processus de négociation.

-Ne pensez-vous pas que l’Algérie a quelque peu tourné le dos à l’Afrique ces dernières années ?  

Non, l’Algérie n’a pas tourné le dos à l’Afrique ! L’Algérie s’est dotée, depuis plusieurs années, d’un ministère délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, traduisant ainsi son engagement et son ancrage africain. Moi-même je suis, comme d’autres collègues, le produit de la tradition panafricaniste de l’Algérie et je mesure l’engagement de l’Algérie sur les questions africaines. Mais en même temps, les États traversent des moments de leur histoire avec des défis différents. Au niveau des positions, elle s’est toujours tenue du bon côté de l’histoire en soutenant les causes justes en Afrique. C’est pourquoi l’Afrique a une bonne image de l’Algérie. La médiation algérienne au Mali est conforme à cette image.

-Y a-t-il lieu d’être optimiste quant au succès de la médiation algérienne dans la crise du Mali, alors que ceux venus négocier à Alger affichaient une méfiance réciproque ?

Il faut savoir qu’il n’y a pas eu de processus de négociation où une partie n’a pas contesté une autre ; cela fait partie du jeu. Du reste, on n’aurait pas fait appel à des négociateurs chevronnés si les négociations étaient simples. Mais l’accord est de toute façon inéluctable pour permettre au Mali de remettre sur pied ses propres institutions et son propre système de défense et de sécurité. L’objectif est que le Mali n’ait plus besoin ni de la Cédéao, ni de l’Union africaine, ni des Nations unies pour assurer sa sécurité. C’est cela la vocation d’un Etat : assurer sa sécurité et celle de ses populations.

-Certains pensent qu’il y a une sorte de compétition entre la France et l’Algérie dans la gestion de la crise malienne à travers la multiplication des initiatives… Y a-t-il véritablement un conflit d’intérêt, selon vous ?

Tous les pays ont leurs intérêts ; l’Algérie, comme la France, les Etats-Unis et d’autres ont évidemment les leurs. S’agissant de l’Algérie, c’est un pays voisin qui partage avec le Mali une longue frontière avec des populations, une histoire et un destin communs. Elle est donc naturellement interpellée par tout ce qui touche à la stabilité du Mali et du Niger ainsi que d’autres pays voisins. Il est dès lors naturel qu’elle offre ses services aux Maliens pour les aider à trouver une solution politique et pacifique durable au problème du nord de leur pays. La France a également des intérêts dans un certain nombre de pays africains y compris le Mali. Personnellement, je ne vois pas de compétition entre l’Algérie et la France. Il est normal que chaque pays défende ses intérêts dans le monde. Mais les Etats peuvent aussi coopérer dans des domaines où il y a des convergences d’intérêt. Le principe, en diplomatie, c’est que tout se passe en bonne intelligence.

-M. Djinnit, vous achevez votre mission en Afrique de l’Ouest où vous aviez eu beaucoup de travail et énormément de problèmes à régler. Désormais, vous héritez de la région des Grands Lacs. Un sacré morceau, non ?    

Dans la diplomatie, il n’y a pas de petits et de grands problèmes ; il y a juste des problèmes à régler. Je connais bien la dynamique politique et sécuritaire dans la région des Grands Lacs pour avoir travaillé pendant longtemps sur cette région quand j’étais au service de l’Union africaine. J’ai suivi tout le processus qui a conduit à la conférence des Grands Lacs. A l’OUA/UA, j’ai travaillé sur les dossiers du Congo, du Rwanda  et du Burundi. Nous avons l’Accord d’Addis-Abeba qui a été signé par un certain nombre de pays avec des engagements pris par les uns et les autres. En tant qu’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU dans la région des Grands Lacs, je suis censé travailler avec les autres représentants de la communauté internationale, avec le Secrétariat de la conférence des Grands Lacs, la Communauté des Etats d’Afrique australe, les chefs d’Etat de la région et l’Union africaine pour assurer que toutes les parties prenantes respectent leurs engagements pris dans le cadre de l’Accord d’Addis-Abéba signé sous les auspices des Nations unies avec le concours de l’Union africaine et des leaders de la région.

Quand vous avez un pays aussi vaste que le Congo avec une histoire difficile, des rébellions et des rapports compliqués avec ses voisins, en particulier le Rwanda, il y a forcément de la méfiance qui s’est installée dans la région. Nous devons poursuivre le travail de promotion du retour de la confiance ; c’est cela, notre rôle fondamental. Nous allons essayer de mettre en place des projets, faire des petits pas dans les domaines politique et économique, la coopération, les échanges et le développement entre les populations de part et d’autre et entre les Etats. L’objectif est de, graduellement, restaurer la confiance pour voir s’instaurer la stabilité.

-Vous aurez aussi à gérer des transitions politiques plutôt compliquées…  

Effectivement, à l’intérieur de cette dynamique régionale, il y a des processus politiques délicats à accompagner au Burundi, au Rwanda  et au Congo. Mais cela se fera selon les principes des Nations unies et de l’Union africaine et sur la base des engagements auxquels ces Etats ont adhéré. Nous n’allons pas interférer dans la conduite des affaires internes des Etats. Nous serons là comme des facilitateurs, pour aider ces pays à consolider leurs acquis démocratiques, à cheminer ensemble et à asseoir les conditions d’une sécurité collective.    

-D’aucuns pensent que l’Union africaine n’est qu’un syndicat de dictateurs, d’où son incapacité à impacter les décisions au sein de la communauté internationale. Qu’en pensez-vous ?

Je vous invite à être un peu plus indulgent à l’endroit de l’Union africaine non pas parce que je l’ai servie, mais simplement parce que j’ai vécu sa transformation. Entre l’OUA des années 1960 et 70 qui, effectivement, était perçue comme un club de chefs d’Etat et l’Union Africaine d’aujourd’hui, ce n’est franchement pas la même réalité. Aujourd’hui, il y a des débats, la société civile s’exprime et il y a aussi de nouvelles institutions comme le Parlement africain et le Conseil économique et social. Par exemple, l’Union africaine a adopté en 2003, lors du Sommet de Maputo, le premier Protocole sur les droits de la femme africaine qui est très avancé et très engagé. L’Union africaine a adopté le principe de la «non-indifférence» selon lequel l’Organisation continentale doit intervenir pour assister les pays victimes de violations massives des droits de l’homme, de génocide ou de crime contre l’humanité.

L’UA est l’une des rares organisations, sinon la seule, à appliquer un régime strict de rejet des coups d’Etat. Elle suspend la participation à ses activités des gouvernements qui sont issus de coups d’Etat. Il y a certes encore des coups d’Etat, mais de moins en moins. Le modèle aujourd’hui, au sein de l’UA, c’est le pays qui réussit sa transition démocratique.
De façon générale, je considère que l’Afrique est un continent en transition. C’est une transition longue qui prendra des décennies parce qu’il s’agit de faire une transition politique, économique et démographique. Elle sera caractérisée par une instabilité relative qu’il va falloir accompagner et maîtriser pour éviter des débordements.

-Sans compter les ingérences étrangères souvent motivées par le souci de pomper les richesses de l’Afrique…

Encore une fois, il est légitime que des Etats aient des intérêts à l’extérieur de leurs frontières, qu’ils soient politiques, économiques ou stratégiques. Je suis de ceux qui pensent que la seule façon d’éviter le risque d’interférences, c’est tout simplement de s’assurer que notre maison est unie et solidaire. C’est comme dans un foyer, selon qu’il soit solide ou vulnérable, il est sujet ou non à des interférences du voisin. De la même façon, si un Etat est solide, uni et cohérent, il s’expose moins à une ingérence.

Plus généralement, si le continent est uni et solidaire, il est forcément immunisé contre les interférences. C’est pourquoi mon conseil à tous les Etats africains où j’ai travaillé c’est de renforcer leur unité et leur cohésion nationale pour faire face à l’adversité, quelle qu’elle soit. C’est un peu l’appel que j’ai fait au Nigeria, qui s’apprête à organiser des élections en 2015 dans un contexte de profonde division et de crise sécuritaire sans précédent. Ceci dit, nous vivons dans un monde ouvert et globalisé où les intérêts sont liés et où il n’est pas toujours possible de discerner ce qui est une interférence de ce qui ne l’est pas. C’est l’équilibre que toute diplomatie essaye d’atteindre : limiter les interférences, développer les convergences et gérer les divergences.

-Au sujet de la crise en Libye, ne pensez-vous pas que l’Union africaine a échoué dans sa mission de médiation ?

Moi, je ne dirais pas que l’UA a échoué mais plutôt qu’elle n’a pas réussi à faire aboutir la démarche qu’elle avait initiée. N’oublions pas que l’UA a mis en place un comité de chefs d’Etat qui avait proposé une solution politique qui passait évidemment par une transition. C’est pour cela que je dis qu’il faut toujours avoir une vision moins tranchée, en tout cas plus mesurée, quand on voit les choses de loin ou quand on est journaliste. L’Union africaine a essayé, mais elle n’a malheureusement pas réussi. Une autre approche a été privilégiée par la communauté internationale et a montré ses limites. Je me rappelle que le président du Niger, M. Issoufou, m’avait dit bien avant la crise libyenne que nous allions assister à la «somalisation» de la Libye et il n’avait pas tort. Aujourd’hui, le pays est plus divisé que jamais. Je me réjouis tout de même de la récente initiative prise par l’Algérie, l’Egypte et les autres pays voisins pour tenter d’aider à stabiliser la Libye. Plus tôt on rétablira la stabilité de la Libye mieux cela vaudra pour le Maghreb, pour l’Afrique du Nord et pour l’Afrique en général.

-De par votre expérience, pensez-vous que les interventions militaires peuvent être une solution pour régler les conflits ?

Comme je l’ai dit plus haut, la vocation d’un diplomate c’est de prévenir les conflits pour ne pas en arriver aux armes. Quand les armes parlent, c’est qu’on n’a pas réussi à les en empêcher avant. Et une fois qu’elles ont parlé, on essaye malgré tout de revenir à la table des négociations. Mais en règle générale, ,aucun problème ni conflit ne s’est résolu exclusivement avec les armes.

-L’Algérie a-t-elle les moyens de lutter sur tous les fronts en pilotant un dialogue intermalien d’un côté et en prenant la délicate mission de sécurisation de la Libye de l’autre alors qu’elle a ses problèmes internes à gérer ?

Je n’ai pas de doute que l’Algérie mobilisera les moyens qu’il faut pour y faire face parce qu’elle y est obligée. Il y va de sa propre sécurité. Notre pays n’a jamais été aussi interpellé par des problèmes de sécurité à ses frontières qu’aujourd’hui ; je suis sûr qu’il trouvera les moyens pour faire face à ces problèmes de voisinage.

-Justement, en tant que diplomate algérien et fonctionnaire des Nations unies, comment voyez-vous le rôle de l’Algérie à la lumière de son histoire, sa géographie et son potentiel ?

A travers mon expérience combinée de diplomate algérien et de fonctionnaire international à l’Union africaine et aux Nations unies, je mesure effectivement l’engagement profond de l’Algérie sur les questions africaines et internationales. En même temps, je vois que la géostratégie place l’Algérie dans un rôle de pont entre l’Europe et l’Afrique. L’Algérie est placée géographiquement et stratégiquement pour jouer naturellement ce rôle de pont. L’Algérie est face à l’Europe mais, en même temps, elle a une profondeur africaine qui fait qu’une bonne partie du territoire algérien évolue dans le contexte du Sahel occidental. L’Algérie est donc appelée à continuer à jouer son rôle dans le leadership africain et de pont entre l’Europe et l’Afrique.      

-Une question un peu plus personnelle. On a lu des commentaires et des réactions presque dithyrambiques à votre égard après votre nomination, notamment de la part de hauts responsables américains. En tant que diplomate algérien, est-il de bon ton d’être dans les bonnes grâces des Etats-Unis ?

Il n’y a pas que les Américains qui ont réagi positivement à ma nomination. Il est vrai que le secrétaire d’Etat américain a fait une déclaration de soutien. Le ministère français des Affaires étrangères a également fait une déclaration ainsi que le MAE belge. Le ministre britannique pour l’Afrique m’a fait parvenir une lettre de félicitations et de soutien. C’est dans la tradition de ces Etats de s’exprimer publiquement pour soutenir une nomination quand elle leur semble judicieuse. J’ai également reçu de nombreux messages d’encouragement de beaucoup de personnalités, amis et autres relations en Afrique et dans le monde. Mais n’accordez pas plus d’importance à ces déclarations qu’une simple reconnaissance du travail effectué.    

-Dans votre carrière, vous avez a dû rencontrer beaucoup de chefs d’Etat et de personnalités. Lesquels vous ont particulièrement marqués ?

Je pense à Nelson Mandela évidemment, que j’ai eu le plaisir et la chance de rencontrer. Je pense aussi à certains pères fondateurs de l’OUA que j’ai côtoyés comme les anciens présidents Julius Nyerere de Tanzanie, Kenneth Kaunda de Zambie ainsi que le président Ben Bella en sa qualité de président du Panel des sages de l’UA. Au niveau professionnel, le souvenir le plus marquant a été le travail exaltant auquel j’ai eu le privilège d’être associé dans la transformation de l’OUA en Union africaine sous le leadership du trio Thabo Mbeki, Olusegun Obasanjo et Abdelaziz Bouteflika.

C’était un moment exceptionnel pour moi.  J’ai par ailleurs croisé des hommes politiques occidentaux, dont président Chirac avec lequel j’ai travaillé à l’occasion d’une réunion au sommet de la Conférence des Etats de l’océan Indien qui a eu lieu à La Réunion. J’étais chef de délégation de l’UA et M. Chirac présidait la conférence. Nous avions travaillé sur la question des Comores et nous avions eu quelques échanges à ce sujet. Au dîner officiel qu’il offrait aux chefs et autres membres de délégations, il m’a fait l’honneur de m’inviter à sa table, aux côtés du président de Madagascar Didier Ratsiraka et son épouse, et du Premier ministre de l’île Maurice et son épouse. M. Chirac et moi étions les deux célibataires de la table ! (rires) On a bien sympathisé et à la fin du dîner, il a tenu à m’écrire un mot gentil sur le menu. Je l’ai revu quelques mois plus tard à Nice, lors du Sommet Afrique-France, et il m’a accueilli avec la même gentillesse et la même chaleur.

-Après plus de 20 ans à sillonner l’Afrique, on sent chez vous une passion dévorante de servir encore ce continent....  

J’ai surtout la passion du devoir et celle de servir. J’ai servi et sers encore mon pays d’une autre façon. J’ai servi l’Union africaine et je sers aujourd’hui l’ONU avec le même engagement.     

-Avez-vous des ambitions politiques en Algérie ?

Je suis diplomate algérien et fier de l’être. Le Secrétaire général de l’ONU vient de me confier une nouvelle mission pour l’accomplissement de laquelle je mettrais toute mon énergie.
Salima Tlemçani, Hassan Moali

Source : http://www.elwatan.com/international/c-est-toute-l-afrique-qui-est-en-transition-04-08-2014-266818_112.php

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