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1 mars 2015

Gaz de schiste : enjeux environnementaux, économiques et politiques.

 

Par Ahmed Bennegueouch(*)

La particularité du gaz de schiste en comparaison avec le gaz dit conventionnel est sa situation géologique. Il est emprisonné dans les roches mères compactes et imperméables. L’extraction de ce gaz utilise systématiquement une combinaison de multiples forages et de fracturations hydrauliques avec le recours à de grandes quantités d’eau et de produits chimiques de manière intensive. 

L’apparition de la valorisation à l’échelle industrielle des huiles de schiste est relativement récente. C’est dans les années 2000, au moment où les prix des hydrocarbures flambaient et se maintenaient durablement dans cette tendance, que la rentabilité de l’exploitation du gaz de schiste est rendue possible, dans un contexte de forte demande énergétique due à la croissance économique mondiale. Dans ce qui suit, nous allons dresser un tableau des enjeux que l’exploitation — ou non — de cette énergie induit au plan international avant d’aborder la politique du gouvernement algérien dans ce domaine et les questionnements que cela pose. 

Etat des lieux dans le monde
Les besoins de l’industrie américaine en matière d’énergie, la nécessité d’une relative indépendance dans ce domaine et, plus tard, l’opportunité de l’utilisation de l’arme des hydrocarbures contre les prétentions russes à un rôle plus important dans le monde et celles de l’Iran à une place régionale dans le contexte moyen-oriental ont boosté l’exploitation du gaz de schiste, portant la production américaine au même niveau de celle de l’Arabie Saoudite en l’espace de quelques années. Quinze années d’extraction du gaz de schiste aux Etats-Unis donnent lieu à des évaluations et à des bilans très nuancés sinon contradictoires sur les arbitrages environnementaux et les stratégies énergétiques. Les Etats de l’Union réagissent différemment en liaison avec leurs atouts économiques intrinsèques, les ressources naturelles essentielles qu’ils comptent préserver, les lobbies dominants et la mobilisation de la société civile relativement à des contextes propres à chaque Etat fédéral. Pour l’exemple, la Californie, qui est la cinquième puissance économique mondiale, opte clairement pour l’énergie solaire qui constitue à ce jour 30% des besoins de production d’électricité pendant que l’Etat du Texas abrite 50% des puits des huiles de schiste des Etats-Unis.
En France, premier pays à avoir interdit officiellement la fracturation hydraulique au motif que la méthode est jugée trop polluante, le débat reste très controversé. Les partisans de l’exploration et ceux du niet à tout investissement dans cette énergie dans l’état actuel de la technologie réactivent la question à chaque fois que l’actualité le permet.
Comme dans le contexte américain, il faudra souligner que le choix politique du pouvoir en France de ne pas autoriser l’exploration et donc l’exploitation du gaz de schiste au stade actuel des techniques obéit à une stratégie qui découle des engagements des gouvernants, de l’état des forces politiques en présence (rapport de forces) et de la particularité du bouquet énergétique de ce pays. Avec une présence forte du nucléaire, la société française semble faire le choix d’une transition énergétique adossée au concept de l’économie verte et de l’efficacité énergétique pour maintenir le rang de puissance industrielle et économique par l’innovation. Un autre facteur a sans doute poussé le président français à interdire l’exploration durant tout son mandat (2017). Il s’agit de la tenue au cours de cette année 2015, en décembre, de la Conférence mondiale sur le climat (COP 21, Conference Of Parties). Les dirigeants français savent que la réussite de ce rendez-vous peut leur procurer une légitimité accrue auprès de leurs concitoyens. L’action diplomatique qu’il faudra déployer et le poids qu’ils peuvent mettre pour la concrétisation d’un accord international sur le climat sont tributaires de la politique du gouvernement français en faveur de la lutte contre les gaz à effet de serre et de la prise en compte des politiques environnementales en général ; se lancer dans les gaz non conventionnels serait assurément un boulet. Cela étant, des officiels français, à leur tête le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, encouragent les groupes industriels de l’Hexagone à tester des techniques d’exploration dans le sud algérien, convaincus que cela ne fera l’objet d’aucune contestation des populations autochtones laissées déjà pour compte par leur propre gouvernement (c’est la substance de ces déclarations au journal Le Point du 20 décembre 2012).

Le contexte algérien
Maintenant, venons-en à notre pays. La contestation menée par les citoyens d’In Salah et de plusieurs localités du Sud contre la pratique de la fracturation hydraulique est à saluer à plus d’un titre. 
Elle est à la fois une expression citoyenne contre la marginalisation des populations du sud du pays et aussi un sursaut patriotique contre un système politique qui livre l’Algérie entière aux puissances économiques et financières pour prolonger sa survie.
Les questionnements qui ont lieu maintenant autour de la problématique de l’exploitation du gaz non conventionnel ont été possibles grâce à la mobilisation des habitants de cette région. 
La question de l’énergie est au cœur du développement de l’humanité car elle est centrale dans la production des biens et des richesses, de la mobilité, de la communication et de la qualité de la vie. Assurer la disponibilité et la durabilité de l’énergie participe d’une stratégie qui ne peut se suffire de réponses à des impératifs d’urgence. A travers les exemples des Etats-Unis et de la France, nous avons vu que les décisions d’exploiter ou non présentement les huiles de schiste s’insèrent dans des stratégies globales qui mettent en avant les besoins de la politique du pays, la concrétisation de ses objectifs et les arbitrages relatifs aux coûts environnementaux que cela peut engendrer.
Tout le monde s’accorde à dire que l’échec de la politique de développement dans notre pays, en particulier la limite avérée de la simple compilation de projets budgétivores depuis le début des années 2000, ne renvoie pas à un manque de ressources financières ; 800 milliards de dollars on été dépensés en moins de 15 ans sans amorcer une quelconque tendance à limiter la part de la vente des hydrocarbures dans le fonctionnement de l’économie nationale. A titre illustratif, le projet de l’autoroute Est-Ouest a englouti plus de 15 milliards de dollars alors que plus d’un quart de son étendue (400 km) est à refaire et que son itinéraire ne cadre avec aucun projet structurant des territoires algériens. Les recours massifs à des entreprises étrangères semblent obéir à des engagements et des impératifs très loin des simples intérêts de l’Algérie. La question de l’exploitation ou non du gaz de schiste ne peut être déconnectée de la politique de développement et des objectifs à atteindre. 
De nombreux pays disposent de ressources naturelles sans recourir (ou en le limitant comme dans le cas de la Norvège) à leur exploitation préférant investir dans des politiques durables qui mettent en avant l’effort et l’innovation en intégrant la préservation des besoins des générations futures.
Tous les experts s’accordent à dire que l’Afrique du Nord sera, à plus ou moins long terme, confrontée à un stress hydrique conséquence, à la fois, du réchauffement climatique, de la sollicitation accrue des réserves aquatiques fossiles, de la démographie et de ces besoins nouveaux qu’elle induit. En termes clairs, l’eau doit être érigée en première ressource stratégique de tous les pays de notre région. 
Les techniques actuelles de la fracturation hydraulique pour faire remonter le gaz de schiste sont, non seulement, caractérisées par une utilisation importante de l’eau qui sera puisée dans les nappes phréatiques (non renouvelable) du Sahara mais aussi l’usage de produits chimiques qui peut générer un risque de contamination irréversible de ces nappes. C’est dans ce contexte que doit être analysée la subite décision du gouvernement algérien de lancer l’exploration du gaz de schiste comme une panacée à l’épuisement de la production du gaz conventionnel. Les arguments balancés après coup pour convaincre l’opinion publique ne sont ni sérieux ni crédibles. faire face à l’explosion attendue de la demande énergétique interne qu’une politique des prix et des choix contestables a induite ne peut justifier un passage en force. 
D’autant que des solutions existent à la fois dans la réorientation des priorités économiques mais aussi dans la diversification accrue du bouquet énergétique, des incitations économiques à une politique de développement durable et à la promotion de l’efficacité énergétique dans le tertiaire et les transports en particulier. Les discours contradictoires des représentants de l’Etat quant aux décisions du gouvernement de livrer aux multinationales des périmètres d’exploration avant même de définir une politique énergétique qui doit sortir le pays de la logique de la rente sont loin de rassurer les Algériens sur la souveraineté et la pertinence de telles orientations.
Pourquoi délivrer au marché un signal d’une éventuelle augmentation de l’offre au moment où le pays fait face à une dégringolade des prix sur le marché mondial ?
Pourquoi le gouvernement français s’est prononcé fermement contre l’exploration alors que, selon ses représentants, il est question d’encourager les entreprises françaises à le faire en Algérie et ailleurs comme en Argentine ? Pourquoi au moment où les entreprises américaines peinent à rentabiliser leurs investissements aux Etats-Unis, l’Algérie leur offre une bouée de sauvetage par à la fois la possibilité d’écouler leur technologie devenue obsolète et des champs d’expérimentation nouveaux financés de surcroît par le contribuable algérien ?
Y a-t-il à ce sujet un deal secret entre le pouvoir algérien et les multinationales via les gouvernements américain et français pour faire du Sahara un champ d’expérimentation ? La question se pose devant la politique de concession tous azimuts du pouvoir algérien pour obtenir le soutien des grandes puissances.
Pourquoi des responsables politiques traitent d’antinationaux ou de subordonnés à la France les citoyens algériens qui revendiquent un débat sur l’avenir énergétique du pays au moment où ces individus passent plus de temps dans les rues parisiennes que dans leurs bureaux à Alger où ils sont grassement rémunérés ? 
Les Algériennes et les Algériens ont le droit d’être consultés sur toutes les questions qui engagent leur avenir. A défaut de clairvoyance, la sagesse est aussi un «don de Dieu». Les croyants savent qu’ils seront jugés sur leurs actes ; le repentir est le propre de ceux d’entre eux qui aspirent à un au-delà moins tourmenté.
A. B.

(*) Secrétaire national du RCD aux relations internationales et aux institutions.

Source : http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2015/03/01/article.php?sid=175301&cid=41

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