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9 octobre 2016

LES MURS DE L’INFAMIE ET DE INTOLÉRANCE.

Adolfo Pérez Esquivel - Prix Nobel de la Paix - Buenos Aires, le 1er juin 2004.

Adolfo Perez Esquivel fait ici l’inventaire des murs construits dans le monde pour se protéger des autres, considérés comme des ennemis potentiels. Il n’oublie pas le mur de protection que nous élevons à l’intérieur de nous-mêmes et qui nous empêche de voir, de comprendre et de respecter les opinions de ceux qui ne pensent pas comme nous.

 En Argentine en 1978, pendant le Mundial de Football, je me trouvais en prison dans l’Unité N°9, prisonnier de la dictature militaire. Les militaires ont tout essayé pour cacher l’horreur des disparitions, des tortures, des assassinats et de tout ce qui se passait dans les prisons, en proclamant ce slogan : « les Argentins sont droits et humains » (contre ceux qui les accusaient de violer les droits humains). Ils ont préparé les stades et ont élaboré toute une mise en scène pour recevoir les délégations sportives. Je me suis toujours demandé quelle avait été la complicité de la FIFA et des autres organismes, qui ont facilité le choix de l’Argentine de la dictature militaire comme pays organisateur du Mundial de Football et qui ont ainsi avalisé la dictature militaire.

La mise en scène pour recevoir les délégations, comme d’ailleurs toute mise en scène, avait pour but d’occulter la réalité. Mais, ce qui m’a le plus frappé, c’est le fait suivant: pour cacher la pauvreté, les militaires avaient construit un grand mur dans la ville de Rosario afin que les visiteurs ne voient pas la misère de « Villa las Flores », un des bidonvilles les plus pauvres du pays avec des milliers de personnes en situation de misère et sans aucun espoir de solution à leurs problèmes. Certains survivaient même en mangeant des chats, d’autres en péchant quelques poissons et beaucoup faisaient des « petits boulots » temporaires et ponctuels comme la vente de ferraille, de plastiques, de papiers, de cartons et de bouteilles ou de tout autres objets qu’ils pouvaient trouver. Les militaires construisaient le mur pendant la journée, et les gens leur volaient les briques pendant la nuit. Dans le besoin, la créativité dans la résistance à l’oppression n’a pas de limites. Les habitants du quartier volaient les briques et les blocs de ciment et les cachaient pour pouvoir par la suite construire leurs maisons.

     En République Dominicaine, on a aussi construit un mur pour que le Pape, lors de sa visite, ne voit pas la misère du peuple. On a tout fait pour cacher la souffrance des peuples, mais rien pour y trouver des solutions.

D’autres murs ont été construits dans différentes parties du Monde, comme le Mur de Berlin pendant la Guerre Froide qui partageait un même peuple en le soumettant aux intérêts politiques et économiques. Des milliers de familles sont restées séparées pendant des décennies et ont vécu l’horreur et la douleur de cette division.

Beaucoup ont tenté de franchir ce mur, mais seulement quelques-uns ont réussi et les autres ont perdu la vie sous les balles de ceux qui le gardaient ou dans les zones minées par l’Allemagne de l’Est.

 Le mur entre la Corée du Nord et la Corée du Sud correspond aussi à cette même politique de pouvoir et de domination des grandes puissances; comme ici, la Chine avec ses propres intérêts. Le peuple coréen est divisé avec des familles qui, depuis des décennies, ne peuvent se rencontrer et ne peuvent même pas avoir des nouvelles les uns des autres. Ils conservent les quelques souvenirs qui leur restent en attendant ce jour où le mur de la séparation tombera et où ils pourront se revoir et s’aimer enfin comme auparavant.

 La communauté internationale est commotionnée et attend avec impatience que le problème du Moyen-Orient trouve une solution politique pour que se termine enfin la violence qui ensanglante les peuples de Palestine et d’Israël. Au lieu de résoudre le conflit, Israël a construit un mur pour se séparer des Palestiniens, en pensant que ce mur leur apporterait la sécurité. Mais, les murs ne peuvent arrêter la haine. La résistance d’un peuple pour obtenir sa liberté ne peut être vaincue par un mur. Le Premier Ministre d’Israël, Ariel Sharon, guidé par sa haine et son insensibilité, commet des atrocités contre la Palestine et, en faisant cela, il nuit aussi profondément au peuple d’Israël. La douleur ne connaît pas de limites et amène beaucoup de Palestiniens à s’immoler et à sacrifier leur vie pour obtenir la liberté et être reçus dans le royaume d’Allah.

 Les Etats-Unis, cette grande puissance impériale, n’hésitent pas à élever un mur d’acier à leur frontière avec le Mexique. D’un côté, ils cherchent à imposer l’intégration économique à tout le continent latino américain dans le cadre de l’ALCA, « l’Association de Libre Commerce pour les Amériques » et, d’un autre côté, ils cherchent à empêcher le passage des immigrants mexicains. Ceux qui arrivent quand même à passer la frontière et sont capturés, sont maltraités et expulsés et, dans le meilleur des cas, traités comme de la main d’œuvre bon marché en condition de demi-esclavage.

 Dans la guerre contre l’Afghanistan et l’Irak, avec les massacres contre ces peuples et les continuelles violations des droits humains, on signale les horreurs commises dans les prisons irakiennes par les troupes des Etats-Unis et de la Grande Bretagne, ces pays qui s’autoproclament «paladins » de la liberté et de la démocratie.

La farce stupide continue et ils essayent de justifier ce qui est injustifiable. En fait, ces gouvernements sont responsables de crimes de lèse humanité, et un jour, Bush et Tony Blair devront être jugés pour ces atrocités commises.

 A Guantanamo, la base militaire que les Etats-Unis possèdent depuis plus de cent ans sur l’île de Cuba, se trouvent deux camps de concentration avec plus de six cents détenus, parmi lesquels des enfants et des adolescents. Ils viennent de 42 pays différents et personne ne sait quelles sont les charges retenues contre eux. Ils sont privés de liberté et soumis à toutes sortes de vexations, ce qui viole les normes les plus élémentaires des droits humains.

 Depuis plus de 45 ans, les Etats-Unis soumettent le peuple cubain à un blocus immoral et injuste dans une totale et absolue impunité, en violant la souveraineté de ce peuple.

 La Chine est une puissance émergente. Elle a un rôle important dans la communauté des nations et sera dans quelque temps un sérieux compétiteur pour les Etats-Unis dans le commerce et les relations internationales. Elle développe pourtant une triste et tragique action au Tibet, ce pays envahi et massacré par les troupes chinoises qui commettent des atrocités, un génocide et un ethnocide contre le peuple tibétain. Beaucoup ont dû s’exiler et rejoindre le Dallai Lama.

Dans son intolérance la superbe du pouvoir et de la force ne connaît pas et ne veut pas reconnaître le droit des peuples à leur auto-détermination et à leur souveraineté.

 La Russie est responsable du grand massacre contre le peuple tchétchène. Ceci met en évidence les graves violations systématiques des droits humains et le manque de sanctions pour éviter que ces atrocités continuent.

 Les pays qui se disent « civilisés » et qui ont envoyé des troupes de soldats et de policiers sous le couvert des Nations Unies et de l’OTAN au Kosovo pour restaurer la paix et la sécurité ont fini par commettre bien des méfaits et par y participer en violant des femmes et des filles, assurés qu’ils étaient de leur impunité. Selon les informations d’Amnesty International « même des filles de 12 ans ont été séquestrés, traitées comme des esclaves et obligées de satisfaire plus de dix clients par jour »…

Combien de murs d’insensibilité et de mépris de la vie humaine ont été élevés par les troupes de ces pays dit «civilisés » ? - Que font les peuples de ces « pays civilisés » et quels murs ont-ils construits pour ne pas voir la douleur des autres peuples et ne pas entendre leurs cris ?

 Que se passe-t-il donc à l’ONU qui est restée silencieuse et en dehors de tout cela, derrière les murs de l’oubli et du mépris ? – Qu’est-il advenu de toutes ces avancées dans les domaines du droit international et humanitaire que la communauté internationale a élaborées durant des décennies ?

Les peuples indigènes, qui ont lutté et ont survécu à toutes les dominations, savent bien que, malgré tous les murs qui ont été construits pour les marginaliser et les détruire, ils ont cependant réussi à conserver leur culture et leurs valeurs ainsi que mémoire et identité, grâce à la résistance et à l’union de leurs peuples mais avec beaucoup de difficultés et de problèmes. Les murs les plus résistants qui provoquent le plus de souffrance mais qui sont aussi les plus difficiles à faire tomber sont ceux de l’inconscience, de l’intolérance et de la bêtise humaine de tous ceux qui croient posséder la vérité absolue et pour qui importe peu le coût de la vie humaine des autres personnes et des peuples, pourvu qu’il puissent réaliser leurs objectifs.

 Les fondamentalismes religieux qui s’approprient Dieu pour le mettre au service de leurs intérêts, en vidant tous les contenus spirituels et en manipulant les signes et les symboles religieux, élèvent les murs de l’intolérance et de la soumission.

Le capitalisme a intronisé le dieu Mamon et construit les murs de la domination comme celui de « l’éternelle dette extérieure », en privilégiant sur l’autel du marché l’intérêt dû au capital et en condamnant par là les peuples endettés à la misère et à la pauvreté.

Mais le pire de tous les murs, c’est celui qui se trouve à l’intérieur de chacun de nous. Si nous ne le démolissons pas et si nous n’avons pas le courage de comprendre et de respecter les droits de notre prochain et de tous les autres peuples, nous ne pourrons jamais rien changer.

Les murs de la bêtise et de la cruauté humaine, qui aujourd’hui séparent tant de gens dans le monde, continueront à s’élever. Nous devons libérer l’humanité en nous libérant nous-mêmes et en partageant le chemin de tous les peuples dans leur diversité et dans leur unité.

Nous devons apprendre à écouter notre Mère la Terre et toute la Nature dont nous faisons partie, cette Nature que nous devons protéger et respecter sur cette petite planète qui s’appelle la Terre.

 

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